Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
jâétais en train de me détruire à petit feu et que jâallais finir par effacer de ma mémoire les moments et les exploits fabuleux que le baseball mâavait permis de vivre.
Valérie voulait que je cesse de souffrir dans mon corps et dans ma tête. Elle voulait que ça sâarrête et que je puisse rentrer chez nous fier de ce que jâavais accompli, en paix, la tête pleine de bons souvenirs.
â Ãric. Lâche. Arrête. Prends ta retraite, a-t-elle répondu en pesant chacun de ses mots.
Sa réplique mâa un peu déstabilisé. Je mâattendais plutôt à ce quâelle me conseille de persévérer encore, comme elle lâavait toujours fait.
â Notre sécurité financière est assurée. On va sâarranger. Ãa va bien se passer, a-t-elle ajouté.
Tout de suite après cette conversation fort émotive, jâai composé le numéro de Coletti.
â Câest fini pour moi, lui ai-je annoncé.
Je lui ai raconté ce qui sâétait passé plus tôt dans la journée lors de ma rencontre avec son directeur du développement. Je lui ai dit que jâavais trouvé inappropriés le moment et la manière que Watson avait choisis pour venir me «picosser» aux abords tu terrain.
Les quelques manches que jâavais lancées au camp avaient aussi fait réapparaître mes sempiternels maux de dos et je commençais déjà à avoir du mal à mâentraîner. Câétait en quelque sorte le jour de la marmotte. Et je me sentais affreusement coupable dâêtre encore aux prises avec cette douleur qui refusait de me quitter.
â Dans un rôle de releveur, ça ne fonctionnera pas du tout parce que je ne serai pas capable de lancer tous les jours, ai-je expliqué à Coletti. Dans ce rôle, je ne serai pas capable de passer à travers.
Nous nous sommes quittés en nous souhaitant bonne chance. Je suis monté à bord de ma voiture et je suis rentré à la maison.
Comme ça, en quelques minutes, ma carrière venait tout juste de prendre fin. Pour la première fois de ma vie, je nâétais officiellement plus un joueur de baseball.
Je nâavais que 34 ans, et câétait déjà Game Over .
Â
chapitre 16
Mea culpa
Jâévoluais au niveau AA, en 1999, la toute première fois où jâai pris conscience de la présence de produits dopants dans le baseball professionnel. Auparavant, je nâen avais jamais entendu parler et je nâavais jamais été témoin de scènes pouvant laisser croire que de tels produits étaient utilisés.
Lâéquipe dont je défendais les couleurs, le Mission de San Antonio, faisait partie de la Ligue du Texas. On retrouvait dans cette ligue des formations dont les noms nâétaient pas tout à fait poétiques, comme les Travelers de lâArkansas (Cardinals de Saint Louis), les Generals de Jackson (Astros de Houston), les Drillers de Tulsa (Rangers du Texas) ou les Diablos dâEl Paso (Diamondbacks de lâArizona).
Par contre, ces équipes AA étaient en quelque sorte les Harvard, Yale ou Oxford du baseball. Ces formations étaient les meilleures universités du baseball professionnel, elles regroupaient les meilleurs jeunes espoirs des organisations quâelles représentaient.
Câest au niveau AA que les organisations de la MLB assignent leurs jeunes joueurs qui ont le plus de chances dâatteindre les ligues majeures. Lâéquipe-école AAA, elle, regroupe plutôt des vétérans qui sont assez expérimentés pour pouvoir se débrouiller dans les majeures durant un court laps de temps, mais pas suffisamment pour y garder un poste permanent.
Les joueurs du AAA, la plupart du temps, sont donc des réservistes quâon rappelle dans les grandes ligues lorsque des blessures surviennent; ou des jeunes qui ont besoin de peaufiner leurs habiletés face à des joueurs plus expérimentés avant de faire le grand saut dans les majeures et dây rester une fois pour toutes.
Câest lors dâune série de matchs disputés à El Paso que je me suis rendu compte, pour la première fois, que certains de mes coéquipiers faisaient des emplettes plutôt inhabituelles.
El Paso se situe à lâextrémité sud du Texas, exactement sur la frontière mexicaine.
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