Game Over - L’histoire d’Éric Gagné

maniaque de la discipline et de l’image.
    Et le sort, malheureusement, a fait en sorte que j’aboutisse dans son programme alors que je vivais l’année la plus tumultueuse de ma vie de jeune adulte et que j’avais perdu à peu près tous mes repères.
    Durant l’été précédant mon arrivée à l’ABC, mon père m’avait apostrophé d’un air grave alors que nous étions à la maison.
    â€” Éric, je suis en train de faire des travaux sur le terrain. Viens m’aider s’il te plaît. Nous allons en profiter pour jaser. Je dois te parler.
    Jouer les paysagistes était sans doute la dernière chose que j’avais envie de faire ce jour-là.
    â€” Voyons papa! Je peux pas t’aider à faire ces réparations, je ne connais rien là-dedans! Et puis ça me tente pas pantoute.
    Nous nous sommes «obstinés» un brin. Puis il a fini par lâcher:
    â€” Viens m’aider, parce que ce sera peut-être l’une des dernières choses qu’on va faire ensemble.
    Pendant les travaux, mon père a fini par m’annoncer qu’il allait quitter ma mère et qu’il allait refaire sa vie avec une collègue, Lise, dont il était tombé amoureux.
    Pour moi, cette nouvelle sortait tout droit de nulle part. Je ne m’y attendais absolument pas. Au cours des mois précédents, j’avais bien vu que les choses n’étaient pas au beau fixe entre nos parents, mais ils ne s’étaient jamais querellés en notre présence, à Dominic et moi. Et je n’avais même jamais envisagé qu’une séparation ou un divorce puisse un jour survenir. J’étais à ce point incrédule que pendant les deux jours suivant notre conversation, je me suis demandé si je devais vraiment croire ce que mon père m’avait annoncé. Ce scénario m’apparaissait impossible.
    Un mois plus tard, il est effectivement passé de la parole aux actes et il est allé vivre avec Lise, qui partage encore sa vie aujourd’hui. Avec le recul, et en constatant que cette nouvelle union résistait au temps, j’ai fini par accepter et respecter la décision de mon père. Et je suis content de savoir que Lise et lui sont toujours aussi heureux ensemble.
    Toutefois, sur le coup, cet éclatement de notre famille fut pour moi un choc fort difficile à absorber. Durant le mois qui s’est écoulé entre l’annonce du divorce de nos parents et le départ de mon père, il y a eu énormément de tensions à la maison.
    Dominic et moi lui en voulions beaucoup de faire autant de peine à notre mère, qui était absolument inconsolable. Et, par ricochet, mon frère et moi nous sentions aussi abandonnés par notre paternel. Au point où nous ne voulions plus le voir ou lui adresser la parole. Ce sentiment nous a habités durant de très longs mois, mais Dominic et moi n’avons pas exprimé notre peine de la même manière.
    Peu de temps après le départ de notre père, je suis allé rejoindre l’équipe québécoise qui prenait part aux Championnats canadiens. Puis j’ai décroché un poste au sein de l’équipe canadienne qui participait au Championnat mondial junior. Ces semaines passées loin de la maison m’ont au moins occupé l’esprit et changé les idées. Dominic, lui, restait à la maison avec notre mère. Une maison qui, soudainement, était devenue à moitié vide et bien triste.
    Puis, en septembre 1993, quand le moment de la rentrée scolaire est arrivé, j’ai réintégré mon appartement, au sous-sol d’un édifice de la rue Aird, et j’ai entrepris mon stage avec l’ABC.
    J’avais 17 ans. J’entreprenais ma troisième année en appartement et il n’y avait plus vraiment de figure d’autorité significative dans ma vie. À l’extérieur de l’école et des séances d’entraînement de l’ABC, je menais ma vie comme je l’entendais. En l’espace d’un été, je suis passé d’un état d’«adolescent autonome» à un état de «jeune adulte rebelle». Et c’est ce qui a rapidement commencé à causer des frictions avec Richard Émond.
    Je sortais de plus en plus régulièrement le soir. Je fréquentais depuis plusieurs mois une