Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
Lâun des lanceurs de notre équipe, Clint Lawrence, était un athlète exceptionnel. Un vrai de vrai. Et il était tout le temps le premier à boucler le circuit des morning weights . Dâailleurs, ce grand gaucher sâest joint à lâorganisation des Blue Jays de Toronto tout de suite après lâannée scolaire. Il a fait carrière dans les mineures durant plusieurs années, sans toutefois avoir lâoccasion dâatteindre les majeures.
Lawrence, donc, était en quelque sorte devenu ma cible à lâentraînement. Je voulais le battre! Nous passions notre temps à nous pousser lâun et lâautre et nous étions toujours les deux premiers à terminer les entraînements matinaux. Mais Lawrence était la plupart du temps le premier parce quâil était un meilleur athlète.
Aussi, à notre appartement, Ãric et moi avions quelques ensembles dâhaltères. Le soir venu, lorsque nous y retournions après notre journée, je mâen emparais et je faisais du temps supplémentaire. Ou encore, comme plusieurs de nos coéquipiers, jâenfilais mes espadrilles et jâallais faire de la course à pied.
Coach Simmons nous faisait aussi courir beaucoup. Nous avions un parcours de près de 13 kilomètres que nous arpentions assez régulièrement.
Câétait la première fois de ma vie que je mâentraînais de façon aussi sérieuse. Je voyais là une occasion de mâaméliorer davantage et de devenir plus attrayant aux yeux des dépisteurs des équipes professionnelles. Après avoir été expulsé de lâABC, Seminole constituait en quelque sorte ma dernière chance, ma planche de salut.
Plusieurs joueurs de notre équipe et un grand nombre des adversaires que nous affrontions avaient déjà été repêchés et je me comparais constamment à eux. Je comparais la vitesse de mes lancers avec la leur, et jâessayais de déceler ce quâun joueur sélectionné 15 ou 20 rondes avant moi pouvait avoir de plus que moi.
Mais il y avait une autre raison pour laquelle je faisais du temps supplémentaire à lâentraînement. Depuis mon arrivée, je nâétais jamais parvenu à me guérir du mal du pays. Je ne me sentais pas chez moi à Seminole. En fait, même si jâétais entouré de très bonnes personnes et de gens accueillants, je ne mây suis jamais senti vraiment à lâaise.
Je me rappelle que je nâen pouvais plus de ne pouvoir parler le français quâavec mon roommate . Et que je détestais la musique western, que tout le monde écoutait là -bas.
Quand je mâentraînais ou quand je partais faire du jogging, câétait un peu comme si le temps était suspendu. Je ne pensais pas au divorce de mes parents, à mon exil ou à mes problèmes dâadaptation dans ce nouvel environnement. Câétait pour moi le meilleur moyen dâévasion possible. Dans ces moments dâefforts, je nâétais plus triste.
Mais je ne pouvais pas mâentraîner 24 heures sur 24. Dès que jâavais quelques instants de liberté, le cafard mâassaillait à bras le corps et je ressentais le besoin de parler à mes proches. Chaque jour, je passais donc énormément de temps au téléphone. La plupart du temps avec Karine. Ou encore avec ma mère.
Je mâennuyais énormément de mon patelin. Boisjoly nâen revenait pas de la quantité de temps que je passais au téléphone. Les factures mensuelles dépassaient les 900 $ ou 1 000 $ par mois. Mais je ne les voyais pas passer parce que câest ma mère qui les recevait à Mascouche.
De son côté, Ãric Boisjoly sâadaptait mieux que moi. Il sâétait fait de nouveaux amis. Il maîtrisait de mieux en mieux lâanglais et il était plus porté que moi à nouer des liens avec les gens. Nous passions donc de moins en moins de temps ensemble.
à notre arrivée, nous étions les deux Québécois inséparables qui avaient besoin lâun de lâautre. Mais à force de passer tout notre temps ensemble â nous dormions dans la même chambre dans des lits superposés â nous avions tous deux fini par éprouver le besoin de prendre un peu lâair. Et câétait tout à fait normal. Peu à peu,
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