Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
notre relation à Seminole a donc tranquillement évolué. Et nous sommes davantage devenus des coéquipiers qui habitaient ensemble plutôt que deux gars se sentant obligés de passer tout leur temps ensemble.
Comme elle savait que jâavais du mal à mâadapter, ma mère nâa jamais protesté ou tenté de limiter le nombre dâappels que je pouvais effectuer dans une semaine. Elle voulait mâaider à surmonter cet obstacle et à réaliser mon rêve. Mais en même temps, elle avait peine à joindre les deux bouts. Mon père avait quitté le domicile familial et avec un salaire de serveuse de restaurant, ma mère ne parvenait pas à acquitter les frais dâhypothèque et toutes les dépenses reliées à la maison.
Elle a éventuellement fini par faire une faillite personnelle et par perdre la maison. En mon for intérieur, je me suis toujours considéré comme le principal responsable de cet événement, que je nâai pu corriger que plusieurs années plus tard.
Au début du mois de novembre 1994, jâen avais ras le bol de Seminole. Ou plutôt, je mâennuyais à mourir du Québec et des miens. Je suis donc allé cogner à la porte de Lloyd Simmons pour lui annoncer que je quittais le programme et que je rentrais à la maison.
Il a écouté mon petit boniment sans broncher. Puis il a répondu dâune voix calme et assurée:
â Jâai payé pour te faire venir ici et pour tâoffrir une bourse dâétudes. Je ne vais certainement pas dépenser dâargent pour tâoffrir un billet dâavion et te renvoyer chez toi.
Dans leur situation, mes parents nâavaient pas les moyens de me payer un billet de retour. Je nâavais aucun autre choix. Jâai donc continué à ronger mon frein et à chercher refuge dans lâentraînement.
Jâavais déjà été repêché une fois et, plus que jamais, je savais quoi faire pour que ça survienne à nouveau. Des fois, je me disais que jâallais tout miser sur cette seule et unique saison. Câétait tout ou rien. Si je nâétais pas repêché en 1995, jâallais probablement devoir passer les trois ou quatre années suivantes à lâécole. Peut-être même dans ce collège. Alors, jâai décidé de mâentraîner le plus possible dans lâespoir de sortir de là au plus sacrant.
De temps en temps, le découragement reprenait toutefois le dessus. Je suis allé voir Coach Z en quelques autres occasions pour lui signifier que je voulais rentrer à Montréal. Mais sa réponse était toujours la même:
â Je ne te renverrai pas chez toi.
à lâapproche de Noël, mon vÅu a fini par être exaucé. Tous les joueurs rentraient chez eux pour célébrer les Fêtes, et le coach Simmons nous a demandé de revenir au collège au plus tard le 5 janvier afin de peaufiner notre préparation pour la saison 1995.
Je me revois encore, assis à bord de lâavion qui me ramenait dâOklahoma City à Montréal. Jâavais cogité sur le sujet durant des mois. Il était clair dans ma tête que je nâallais jamais retourner à Seminole.
Boisjoly était sur la Rive-Sud avec sa famille et moi, jâétais à Mascouche avec ma mère et mon frère. Ãric et moi ne nous sommes pas parlé durant toutes les vacances. Et le 5 janvier, mon roommate était de retour à Seminole, prêt à entamer la saison.
Le 12 janvier, je nâétais pas encore revenu au collège. Lâentraîneur allait constamment voir Boisjoly pour tenter de savoir ce qui se passait.
â Il est où, ton chum? Comment se fait-il quâil ne soit pas encore revenu?
Ãric savait que jâavais traversé plusieurs périodes difficiles durant la session dâautomne. Il était convaincu je ne nâallais pas revenir pour disputer la saison, mais il ne savait pas quoi répondre à lâentraîneur parce quâil ne mâavait pas parlé.
Entre eux, les joueurs de lâéquipe parlaient de mon retard et de mon absence non motivée. Et considérant la sévérité légendaire du Coach Z, ils se disaient que si je daignais remettre les pieds à Seminole, ils allaient assister à un véritable feu dâartifices.
Je me suis finalement
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