Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
Vénézuéliens, deux Dominicains, deux Américains, un Australien et un Canadien. Le tiers de notre équipe vivait dans cet appartement!
Il nây avait cependant aucune stabilité dans cette drôle de maisonnée. Dans les ligues mineures, il y a constamment des joueurs qui se blessent, qui se font rétrograder ou qui graduent dâun niveau à lâautre. Nous avions donc parfois lâimpression que notre porte dâentrée était tournante. à chaque fois, ou presque, que les Dodgers assignaient un nouveau joueur à notre équipe, il aboutissait dans notre appartement.
La vie des joueurs des ligues mineures est ainsi faite. Je gagnais environ 450 $ aux deux semaines, avant impôts. Je ne pouvais donc pas me permettre de dépenser 500 $ par mois pour me loger. Mes coéquipiers non plus.
Dans ces conditions, les joueurs se regroupaient. Ils consacraient environ 200 $ chacun à la location dâun appartement et ils louaient quelque chose de plus grand. à huit, cela nous permettait de mieux nous loger.
à lâépoque, je ne réalisais pas vraiment la situation dans laquelle nous nous trouvions. Jâétais heureux de mon sort. Jâavais une chambre que je partageais avec un coéquipier et câétait tout à fait normal dans ce milieu, où nous tentions dâapprendre notre métier et de gravir les échelons.
En fait, cette situation était même plutôt luxueuse par rapport à ce que jâavais connu à mon premier camp dâentraînement à Vero Beach.
à leur complexe dâentraînement, les Dodgers avaient un grand nombre de chambres qui pouvaient accueillir jusquâà quatre joueurs chacune. Mais comme le réseau des ligues mineures était vaste, il manquait toujours plusieurs dizaines de places pour accueillir tout le monde.
Les plus jeunes joueurs étaient alors logés dans un vestiaire quâon aménageait en dortoir de fortune. Et nous y dormions sur des lits de camp militaires.
Quand jây ai séjourné, mes cochambreurs étaient à peu près tous Dominicains. Nous avions une seule télé et nous ne disposions que dâun casier pour ranger tout notre linge pour toute la durée du camp dâentraînement.
à mes yeux, notre appartement de Savannah avait donc des allures dâhôtel quatre étoiles!
Contrairement à mes coéquipiers des Sand Gnats, jâétais une verte recrue en 1996. Et il mâa fallu un certain temps pour mâadapter à ce nouvel environnement.
Jâai entrepris la saison avec plusieurs défaites consécutives. Je lançais vraiment mal. Je commettais des erreurs qui ne pardonnaient pas contre des frappeurs professionnels. Puis à un certain moment, je me suis blessé en lançant. Mon bras est devenu tout bleu et ma balle rapide a perdu une grande partie de sa vélocité. Elle a chuté jusquâà 83 ou 85 milles à lâheure.
Comme je ne voulais pas me plaindre, jâai donc persisté à lancer malgré la douleur. Câétait dâailleurs le conseil que mâavait donné le soigneur de lâéquipe.
Ironiquement, cette blessure mâa forcé à mâajuster et à développer un changement de vitesse pour confondre les frappeurs. Et ce lancer mâa plus tard permis de devenir lâun des releveurs les plus dominants de tous les temps. Celui qui a un jour affirmé que «le besoin crée lâorgane» nâavait pas tout à fait tortâ¦
Câest notre entraîneur des lanceurs, Ed Correa, qui mâa enseigné lâart subtil du changement de vitesse. Ed, un Dominicain format géant, avait lancé durant quelques saisons chez les Rangers du Texas. Il possédait un bras canon et ses lancers dépassaient les 100 milles à lâheure. Toutefois, une blessure à une épaule avait mis fin à sa carrière.
Pedro Martinez mâavait aussi donné quelques précieux conseils pour développer ce lancer. Le changement de vitesse consiste à transmettre à la balle la même rotation que celle que les frappeurs peuvent percevoir sur une balle rapide, tout en lui retirant un maximum de vitesse. Confondus, les frappeurs sâélancent alors trop tôt.
Martinez était un très grand maître du changement de vitesse et jâavais été fort impressionné par sa prise
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