Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
affrontement avec un frappeur gaucher. Et dès que je parvenais à lancer trois prises consécutives, le temps était venu de simuler un affrontement avec un droitier.
Quand la rapide était parfaitement à point, je tentais dâatteindre chaque coin du marbre avec trois changements de vitesse de suite. Jâétais cependant moins pointilleux avec ce lancer. Si je ratais la cible de Rob mais que la rotation et le mouvement de la balle étaient à mon goût, et si je ressentais parfaitement la balle entre mes doigts, je mâestimais prêt à entrer dans le match.
Je terminais ensuite mon échauffement en lançant une ou deux courbes. Ce lancer nâétait pas vraiment important dans mon répertoire. Mais jâen lançais quelques-unes simplement pour faire tourner la balle et ressentir ce lancer, juste au cas où jâaurais envie de mâen servir pour déstabiliser un frappeur.
La plupart du temps, jâaimais revêtir mon blouson, me rasseoir quelques instants et boire un verre dâeau avant de faire mon entrée sur le terrain.
Quand le dernier retrait des Dodgers était enregistré, câétait la grosse affaire, comme je le racontais dans un chapitre précédent.
Les premières notes de la musique de Guns Nâ Roses retentissaient dans les haut-parleurs, les slogans Game Over flashaient sur tous les écrans du Dodger Stadium, et un employé des Dodgers â toujours le même â finissait par ouvrir les portes de lâenclos.
Ce moment de transe collective était un spectacle en soi. à un tel point quâà un certain moment, les diffuseurs des Dodgers ont cessé de présenter des messages publicitaires entre la huitième et la neuvième manche afin que les téléspectateurs puissent aussi assister à mes entrées sur le terrain. Au lieu de diffuser une pub télé, une publicité du service de courrier DHL intitulée The Delivery Man avait été accolée sur les portes de lâenclos. On mâa raconté que lâannonceur dépensait près dâun demi-million de dollars pour être associé à ce moment très précis de la rencontre.
Quand la porte sâouvrait, je tenais mon gant dans ma main droite et je courais tranquillement vers le monticule en prenant soin de ne pas mâessouffler. Ma routine était à ce point précise que jâessayais de compter chacun des pas quâil me fallait franchir entre le bullpen et lâavant-champ. Il me fallait entre 23 et 25 pas pour atteindre le gazon à lâavant-champ, tout dépendant de la vitesse à laquelle jâavais quitté le bullpen . à lâarrivée, il fallait toujours que jâatteigne le gazon de lâavant-champ sur le même pied.
Aussitôt arrivé dans lâ infield , je cessais de courir et je marchais lentement jusquâau monticule. Avant de mây installer, je donnais deux coups de pied sur la plaque, juste pour mâassurer de sa solidité. Je mâemparais alors de la balle et je la «flippais» aussitôt en lâair en la faisant virevolter sur elle-même. Mon niveau de concentration était tellement élevé, jâavais une telle conscience de chacun de mes gestes, que je ressentais chacun des muscles de mon visage.
Câest alors que ma séquence finale de préparation commençait. Et chacun de mes lancers était parfaitement coordonné avec le rythme de Welcome to the Jungle: three fastballs, two change-ups, two curves. Fast-ball. Fast-ball.
Après cela, plus rien ne pouvait mâarrêter.
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chapitre 8
La séquence
Tous ceux qui ont déjà vécu une saison complète de baseball professionnel connaissent la véritable signification de lâexpression dog days of summer.
Les dog days of summer déterminent une période dâune quarantaine de jours qui sâétale du début du mois de juillet jusquâau début de la deuxième semaine du mois dâaoût. Câest le temps de lâannée où la température et le taux dâhumidité atteignent leurs plus hauts sommets. Et jouer au baseball tous les jours durant cette période est une expérience en soi. Certaines fois, on peut quasiment trancher lâécrasante humidité ambiante au couteau. Et en dâautres occasions, la chaleur vous soulève presque de
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