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Game Over - L’histoire d’Éric Gagné

Game Over - L’histoire d’Éric Gagné

Titel: Game Over - L’histoire d’Éric Gagné Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Martin Leclerc
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J’appréciais beaucoup ces moments de quiétude et d’anticipation.
    Je regardais le match à la télé. Mon pantalon était par terre tout près de moi. En fait, tout mon équipement restait à portée de main: mon chandail numéro 38, mes souliers à crampons, ma casquette, mes lunettes, ma ceinture. Je ne sais trop pourquoi, mais je ressentais physiquement le besoin de garder toutes les pièces de mon uniforme à proximité plutôt que de les laisser au fond de mon casier. Ma routine avait été programmée ainsi et je ne pouvais y déroger.
    Je préférais regarder le match à la télévision parce que ça me permettait de mieux identifier la zone de prises de l’arbitre. Je voulais aussi emmagasiner le plus d’informations possible, et la télévision me procurait un meilleur point de vue pour observer les tendances des frappeurs adverses. Assis au bout du banc, il était parfois difficile de déterminer si un frappeur s’était élancé sur un lancer à l’extérieur ou à l’intérieur. Ou encore, si le lancer qui l’avait déjoué était une courbe ou une glissante.
    Ã€ la fin de la cinquième manche, quand le dernier retrait des Dodgers était enregistré, je me rendais à la salle de thérapie pour faire une séance d’étirements. Par la suite, histoire d’activer mon métabolisme, je prenais place sur un vélo stationnaire pendant une quinzaine de minutes. Toujours en regardant le match à la télé.
    En sixième manche, parfois en septième, tout dépendant de l’allure du match, je m’engouffrais enfin dans le vieux tunnel longeant le côté gauche du terrain et menant à l’enclos des releveurs. Durant cette marche solitaire, il m’arrivait très souvent de croiser des rats. Il semblait y en avoir beaucoup dans les environs mais ils n’étaient pas agressifs.
    J’atteignais le bullpen par l’arrière, en empruntant les grosses portes situées près des palmiers. Dès que j’y posais le pied, la frénésie s’emparait des spectateurs installés dans les gradins situés autour de nous. Par leur seule réaction, tout le monde dans le stade savait que j’étais arrivé à mon poste.
    La même scène se répétait match après match. Au point où les autres releveurs de l’équipe, comme Paul Quantrill, Guillermo Mota, Paul Shuey (et, à compter de 2003, Tom Martin) en sont venus à jouer des rôles dans mon rite préparatoire. Il existait une belle complicité et une belle solidarité entre nous. Et personne ne voulait modifier une routine ou des habitudes qui semblaient nous maintenir sur la route du succès.
    Aussitôt que j’entrais dans l’enclos, tout juste avant de m’asseoir à ma place, je leur lançais toujours la même phrase:
    â€”  What’s up, you fuckers?
    Quantrill, que nous surnommions «Q», répondait alors invariablement:
    â€”  What’s up, goon?
    Mota, pour sa part, me lançait d’une voix calme:
    â€”  And you know it…
    Lorsqu’il s’est joint au bullpen en 2003, Tom Martin avait aussi ajouté une phrase amusante à notre scénario. Pour souligner que j’étais toujours le dernier à me présenter dans l’enclos, il m’apostrophait sur un ton à moitié indigné:
    â€”  Nice that you show up!
    Nous étions comme cinq gamins. Et pour agrémenter les innombrables heures que nous passions ensemble, nous ne manquions pas d’imagination.
    L’une des plus amusantes traditions que nous avions dans l’enclos consistait à élire le releveur par excellence de la partie et à inscrire son nom sur un mur.
    Au début de chaque mois, chacun de nous déposait une centaine de dollars dans un pot. Et tout au long du mois, nous élisions un releveur par excellence à la fin de chacune de nos parties. Quand le mois prenait fin, nous faisions le décompte.
    Le running gag dans cette histoire, c’était que le titre de releveur du mois (et le magot) était toujours décerné à un autre releveur que moi. Je ne suis jamais parvenu à remporter un seul titre! J’étais celui qui amassait la quasi-totalité des sauvetages de l’équipe mais les gars ne votaient jamais pour moi. En plus, comme

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