Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
lâarbitrage, ni pouvoir de négociation. Par conséquent, parmi les dix lanceurs de lâéquipe, jâétais le lanceur le moins payé.
Nâempêche, jâavais un statut particulier dans le clubhouse et jâaimais beaucoup organiser des activités qui permettaient aux joueurs de se côtoyer à lâextérieur du terrain. Cela mâapparaissait essentiel pour créer une cohésion au sein de notre groupe de joueurs et, ultimement, pour connaître encore plus de succès sur le terrain.
Jâavais une vision un peu romantique de la vie en équipe. Je lâai toujours dâailleurs.
Sept mois par année nous passions plus de temps ensemble quâavec les membres de notre famille. Mais quand nous étions au stade nous nâavions pas vraiment le temps dâapprendre à nous connaître les uns les autres. Nous nous connaissions en tant que coéquipiers mais nous ne savions pas grand-chose de la vie que chacun menait à lâextérieur du terrain.
Régulièrement, nous organisions donc des soupers dâéquipe. Jâadorais préparer ce genre de soirées, pour lesquelles jâai dâailleurs fini par développer une sorte dâexpertise. Je connaissais les bonnes adresses aux quatre coins de la ligue.
Par exemple, si notre avion se posait à Montréal à 19 h, nous avions déjà une réservation pour 30 personnes dans lâun des meilleurs restaurants en ville. Nous nous y rendions tous ensemble, nous mangions un peu, buvions quelques verres de vin puis nous retournions à lâhôtel. Pour lâesprit dâéquipe, câétait génial.
En dâautres occasions, les membres de lâenclos des releveurs se rassemblaient pour un bon repas et nous invitions les receveurs ainsi que les entraîneurs à se joindre à nous. Nous faisions en sorte dâinviter les entraîneurs le plus souvent possible, ce qui nous permettait mutuellement de prendre le pouls des uns et des autres.
Notre bullpen était vraiment uni et solide durant la saison 2003. Nous avons bouclé la saison avec une moyenne de points mérités collective de 2,48 alors que les équipes adverses nâont maintenu quâune anémique moyenne au bâton de ,207 contre nous. Certains sabermétriciens ont dâailleurs analysé que nous avions formé lâenclos des releveurs le plus dominant depuis la Seconde Guerre mondiale.
Lors de nos rares journées de congé, jâaimais beaucoup organiser des barbecues familiaux. Plusieurs joueurs étaient en couple et avaient des enfants. Les activités de ce genre nous permettaient de faire connaisÂÂsance avec les enfants ou de discuter avec les épouses de nos coéquipiers autrement quâen les saluant rapidement au terme dâun match.
Il était parfois fort intéressant de voir à quel point les joueurs se comportaient différemment lorsquâils se retrouvaient dans un contexte de fête familiale.
Kevin Brown, par exemple, était un joueur extrêmement intense lorsquâil avait son uniforme sur le dos.
En 1999, à lââge de 34 ans, Brown avait paraphé avec les Dodgers un contrat de sept ans dâune valeur totale de 105 millions. En plus, la direction de lâéquipe lui avait consenti une foule dâautres avantages, comme par exemple lâusage par sa famille dâun jet privé pour un certain nombre de voyages. Il pouvait par ailleurs se présenter au camp dâentraînement quand il le voulait. Bref, on lui avait déroulé le tapis rouge.
Brown était notre partant numéro un. Il sâentraînait extrêmement fort et il prenait ses responsabilités très au sérieux. Mais il était colérique au possible et ne tolérait aucune contrariété.
Sâil était en train de sâentraîner au gymnase et que les dumbells nâétaient pas placés exactement dans la position où il les voulait, à la seconde où il les voulait, il pouvait tout démolir dans la pièce.
La pire crise à laquelle jâai assisté de sa part est survenue à Pittsburgh à la suite dâun match qui avait mal tourné. Il y avait dans le vestiaire un immense frigidaire à bière, lâun de ses grands frigos dotés de portes vitrées coulissantes.
Brown lâavait violemment renversé au sol. Enragé, il
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