Gauvain
comportait ni porte ni fenêtre ni escalier. Au bout de trois tentatives aussi vaines, Méraugis héla les jeunes filles : « Belles ! comment puis-je arriver jusqu’à vous ? – Cher seigneur, répondirent-elles, cela ne se peut, mais dis-nous ce que tu veux. – Je souhaiterais quelques mots d’entretien. – Dis-nous ce que tu cherches. – Je ne me suis jamais, dit Méraugis, avisé de clamer d’aussi loin, en public, l’objet de ma quête. Permettez-moi donc de monter jusqu’à vous ? » Mais les jeunes filles, au lieu de répondre, retournèrent s’asseoir et reprirent la conversation qu’elles avaient interrompue un instant. Méraugis dut les appeler trois ou quatre fois avant que l’une d’elles daignât se pencher au rebord du mur. « Si tu veux parler avec nous, fais-le d’où tu es, dit-elle, car personne ne monte jamais jusqu’ici. »
Comprenant qu’il n’obtiendrait rien de plus, Méraugis lui cria alors : « Que sais-tu de Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie, neveu du roi Arthur ? Aurais-tu de ses nouvelles et saurais-tu où il se trouve ? – Par Dieu tout-puissant ! répondit-elle. Quel importun tu fais, chevalier ! Va-t’en, et si tu veux m’en croire, prends le chemin qui monte à droite. Au-delà de ce bois, au pied de la montagne, t’apparaîtront bientôt une chapelle et une croix : tu reconnaîtras celle-ci sans peine, car il n’en est pas de plus belle. Une fois que tu seras parvenu là, c’est elle qui te conseillera. »
Méraugis ne décolérait pas d’être ainsi traité. « Belle réponse à ma demande ! vociféra-t-il. Au moins dis-moi si tu connais le chemin le plus court pour parvenir à l’ Esplumoir Merlin . Car c’est là que je dois obtenir des nouvelles de Gauvain, à ce qu’il me semble. » La jeune fille le toisa avec indifférence, puis elle dit d’un ton méprisant : « Regarde-moi. Voici l’ Esplumoir Merlin . J’y suis, si tu veux le savoir. Désormais, tu pourras seulement gaspiller ton temps, car nous ne te dirons plus un mot sur Gauvain que tu prétends chercher, non, plus un, ni pour t’approuver ni pour te blâmer. Assez là-dessus ! »
D’humeur de moins en moins badine, Méraugis releva la tête et s’écria : « Jeune fille, tu te ris de moi ! Le nain m’a dit, voilà bien longtemps déjà, que c’est à l’ Esplumoir Merlin que je devais, un jour, savoir des nouvelles de Gauvain. Et, parvenu là, j’y gaspillerais mon temps ? Je n’y pourrais accéder ? Par saint Devy, m’est avis que, s’il m’était possible de te rejoindre, j’en apprendrais davantage. » La jeune fille lui répondit avec arrogance : « Quel bonheur qu’on ait bâti cette forteresse aussi haute ! Tous tes efforts seront vains, tu n’y monteras point ! Du reste, tu commences à nous fatiguer avec tes hurlements. Nous ne te dirons rien de plus. » Et, disparaissant, elle retourna prendre sa place parmi ses compagnes.
Bouillant de colère, Méraugis entraîna Lidoine et reprit sa route vers la chapelle et la croix dont avait parlé la jeune fille. Il finit par les découvrir, au flanc de la montagne. Mais les lieux étaient déserts, et l’on ne voyait personne aux alentours. Il mit pied à terre sous un grand arbre auquel il attacha son cheval puis, entrant dans la chapelle, chercha partout, mais sans y découvrir âme qui vive. Il sortit donc et dit à Lidoine : « Maintenant, j’en suis sûr, cette jeune fille m’a pris pour un sot en m’envoyant ici. Que pourrais-je faire ? Je vois bien la croix, j’ai bien visité la chapelle, mais personne n’est là pour me renseigner. »
Tandis que, tourmenté par le désespoir, il marchait d’un pas saccadé, Lidoine regardait la croix. En haut, sur l’un des bras de celle-ci, elle aperçut une inscription en lettres d’or, la déchiffra et, bouleversée, dit à Méraugis : « Seigneur, sur le bras de cette croix se trouvent inscrits des conseils magiques ! » Méraugis, qui savait parfaitement lire, lut à son tour et, sans plus réfléchir, prononça les mots à haute voix. Alors, une voix venue d’on ne savait où se fit entendre : « Chevalier, toi qui cherches un conseil à propos de ta quête, il t’appartient de choisir. Voici trois voies. La première a pour nom la Route sans Merci. Si tu l’empruntes, sache-le, n’espère aucune pitié de ceux que tu rencontreras. Si tu t’attends à quelque compassion, sache-le, ton attente est vaine. Tu n’en
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