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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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leur amour, avait déjà tant affronté de dangers. Quand elle le vit arriver avec Hunbaut, elle dit : « Certes, Gauvain a bien su rabattre l’orgueil de cet insolent chevalier ! »
    Les jeunes filles qui l’entouraient manifestèrent aussi leur joie. « Dame, dirent-elles en chœur, son remède, c’est une épée bien tranchante et rudement brandie. Il n’est, sous le ciel et sur la terre, aucun chevalier comparable à Gauvain. Il en vaut bien cent à lui seul. » Gauvain mit pied à terre et, tenant son cousin par la main, le conduisit devant elles. « Dames, dit-il, je vous présente ce chevalier, afin qu’il s’acquitte de la façon que vous jugerez bonne. – Grâces te soient rendues ! répondit la dame. L’amende sera légère puisqu’il vient en suppliant. » Et, sans plus de façons, elle les pria de loger chez elle pour la nuit.
    Il va sans dire que les deux chevaliers passèrent dans le pavillon des heures pleines d’agrément. Mais, au matin, ils s’équipèrent et, après avoir pris congé de la dame Ydoine et de ses suivantes, ils reprirent leur route vers Carduel. Ils chevauchèrent toute la journée sans s’attarder ni s’arrêter, sauf pour abreuver leurs chevaux. Et, pour tuer le temps, les deux cousins bavardaient et plaisantaient. Tout orgueil semblait à présent disparu du cœur d’Hunbaut. Dans son bonheur d’avoir trouvé celui qu’il cherchait, il voulait, à force de grâce et de soins, effacer de l’esprit de Gauvain l’image détestable qu’il lui avait donnée de lui-même lors de leur rencontre.
    « Cher cousin, dit-il, comme le soir commençait à tomber, nous prendrons gîte cette nuit dans le logis d’un hôte qui ne plaît pas à tout le monde. Grande est sa fortune en or et en argent, et il est le seigneur d’un vaste domaine. Mais si, par malheur, l’on enfreint les ordres qu’il a donnés, sa colère peut être impitoyable. Dans certains cas, c’est au gibet qu’elle condamne, et sans recours. Sa forteresse est si puissante et si solidement bâtie qu’il n’y craint ni comte ni roi. Son orgueil et son outrecuidance sont tels qu’il ne répugne même pas à faire exécuter un homme libre, ni à l’emprisonner sous un prétexte quelconque. Prends donc garde à ne pas oublier mes avertissements.
    « Prends soin également de te restaurer de ton mieux, car lorsqu’il reçoit des chevaliers ou des rois, il les honore et les comble de bienfaits. Or, une fois que nous aurons quitté son domaine, il nous faudra jeûner, je crois, car nous ne pourrons rien trouver en fait de vivres, fût-ce en payant : nous ne traverserons plus que forêts profondes et landes stériles. Je le sais pour les avoir déjà fréquentées. Mais surtout, cher Gauvain, veille, ce soir, à ne pas mécontenter notre hôte : il ne faut pas qu’il puisse nous reprocher la moindre faute. Avant de prendre place lui-même à table, il te fera asseoir à la place d’honneur, auprès de sa fille, qui est la plus belle créature du monde, et vous partagerez la même écuelle {23} . Or, sache-le, elle acceptera volontiers ta présence à ses côtés, car ton arrivée la réjouira plus et mieux que celle de tout autre chevalier. Elle a entendu dire tant de bien de toi qu’elle prétend que ton seul nom lui arrache le cœur du corps. Un jour, j’ai reçu ses confidences : elle voudrait bien t’interroger sur les aventures que tu as vécues, et aussi se retrouver seule dans sa chambre avec toi, à l’insu de tous, car l’idée que son père puisse l’apprendre la terrifie. Aussi, je t’en prie, quelques caresses qu’elle te fasse, ne t’en soucie pas.
    « J’ai fréquenté le père plus de trente semaines et je sais trop comment il se conduit, je le connais parfaitement. Maintenant, tiens-toi pour prévenu et n’en doute pas : tu courrais grand risque si tu manifestais le moindre intérêt pour la jeune fille, à moins que nul n’en sache rien. Elle est intelligente et rusée, susceptible même de fine prudence, mais l’amour rend sots bien des gens. Sois sûr d’une chose : elle est folle de toi. Voilà, je t’ai tout dit de ses dispositions, de l’air qu’elle prendra et de l’hospitalité que nous recevrons. – Je te remercie, dit Gauvain, de tout ce que tu viens de m’apprendre. Mais je ne pense pas commettre la moindre faute. Et si le seigneur me fait pendre, je n’en demanderai de comptes à personne. »
    La conversation s’interrompit là, tandis

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