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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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cœur : je renie Notre-Sire puisque vous le voulez. Le frère Raoul
me dit ensuite de fouler aux pieds une croix d’argent sur laquelle était
l’image du Crucifié, et de cracher dessus. On l’avait posée à terre. Trois fois
je marchai dessus, sur les pieds du Crucifié, je précise, et je crachai à côté,
et non dessus » (Jacques de Troyes, du diocèse de Troyes). « Quatre
ou cinq frères sergents de l’Ordre fermèrent avec une barre ou avec un nœud la
porte de la salle, et exhibèrent une croix de bois longue d’une main et demie.
Sur la croix, il n’y avait aucune image du Crucifié. Ils nous dirent, en nous
montrant la croix : Reniez Dieu ! Nous, stupéfaits et terrifiés, nous
refusâmes, bien sûr. Il le faut, dirent-ils en dégainant leurs épées. Alors,
sous le coup de la terreur, nous qui ne portions pas d’armes, nous reniâmes
Dieu. Je le fis de bouche et non de cœur ; les deux autres aussi, je
pense. Crachez sur la croix ! nous ordonnèrent ensuite les sergents. Comme
nous refusions, ils nous dirent qu’ils nous en faisaient grâce, à condition que
nous le gardions pour nous et que nous n’allions point les dénoncer »
(Géraud de Causse, du diocèse de Rodez). Ici, ce qui est remarquable, c’est que
ce sont des sergents et non des chevaliers ou un chapelain qui ordonnent le
reniement.
    Nous possédons plusieurs centaines de témoignages de ce genre.
Tous les accusés, sauf une quinzaine, « reconnaissent soit avoir pratiqué
ce rite, soit l’avoir subi, soit l’avoir imposé à de nouveaux Templiers. Le
rite comporte certaines variantes, mais sa structure essentielle reste
inchangée. La croix comporte la plupart du temps l’image du Crucifié, mais il
arrive qu’elle soit nue, ou que ce soit la croix du manteau qui serve au
reniement. Ce reniement porte toujours sur Jésus, quelle que soit l’appellation
qu’on lui donne. Même ceux qui déclarent avoir renié Dieu entendent bien qu’il
s’agit du dieu Jésus, celui qui est sur la croix. Et la plupart des témoins,
qui paraissent ne rien comprendre à ce rite, déclarent avoir accompli le
reniement « de bouche et non de cœur ». Dans certains cas, il est
probable qu’on ait menacé le nouveau Templier d’employer la force s’il refusait
de prononcer le reniement.
    Ce qui est frappant, c’est qu’aucun témoin ne semble
comprendre le sens de ce qu’on lui demande. Cette bizarre cérémonie n’est
jamais précédée d’un avertissement ou d’une explication : tous les témoins
se déclarent surpris de ce qu’on exige d’eux. Visiblement, ils ne s’y
attendaient pas.
    C’est donc une chose secrète dont on ne parle jamais. Et le
rituel se déroule dans une pièce écartée, ou dans un coin de l’église, parfois
dans un lieu fermé de l’intérieur.
    Certains frères reçus demandent une explication, mais pas
tous, ce qui paraît tout de même étonnant. À ceux qui demandent l’explication,
on n’en fournit jamais. « Tais-toi, nous t’instruirons un autre moment des
statuts de l’Ordre ! » s’entendit répondre le frère Renaud, du Temple
d’Orléans. Mais on n’en a jamais rien fait. Remarquons au passage qu’il y a là
une nette allusion à une Règle secrète de l’Ordre. Ce qui est curieux, c’est
que ce reniement paraît être un rite propre à la réception. On n’en parle plus
ensuite. Certains témoins déclarent que, gênés par ce souvenir, ils n’ont
jamais osé l’évoquer entre eux. Une fois, cependant, le frère Bosco de
Masualier, du diocèse de Limoges, demanda une explication au précepteur de
Bourges : « Le frère Pierre me répondit de ne pas être trop curieux,
car j’encourrais la colère des frères et des supérieurs de l’Ordre. Va-t-en à
la soupe, dit-il. Il s’agit d’un prophète, ce serait trop long
à t’expliquer  ». Voilà qui devient intéressant. À l’intérieur
de l’Ordre, il y en avait donc qui savaient.
    En bonne logique, ce devraient être les dignitaires. Mais
ceux-ci se montrent, sur ce sujet, d’une remarquable discrétion. Jacques de
Molay ne sait rien, préférant évoquer « la ruse de l’ennemi du genre humain »
qui « a conduit les Templiers à une perdition aveugle ». Geoffroy de
Gonneville, lui, se retranche derrière l’Histoire : il prétend que, lors
de sa réception, on lui aurait expliqué que c’était l’usage de l’Ordre,
introduit « par la promesse que fit un mauvais maître de l’Ordre

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