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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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des
interrogatoires si l’on sépare le problème de la Tête de celui posé par ce
qu’on a appelé les « baisers obscènes ».
    Parmi les chefs d’accusation figuraient, en effet, des
pratiques jugées honteuses : « Lors de la réception, des frères…
s’embrassaient parfois sur la bouche, au nombril ou sur le ventre nu, ainsi
qu’à l’anus ou sur l’épine dorsale. » On pourrait croire que les
accusateurs ont repris intégralement l’attirail folklorique du Sabbat,
caractérisé par des gestes obscènes, particulièrement celui consistant à baiser
le Diable, sous forme d’un bouc, sous la queue. On pourrait croire également
que ces baisers impudiques font partie d’un autre chef d’accusation, celui de
sodomie. Précisons tout de suite qu’au Moyen Âge, sodomie n’a pas le sens
restrictif d’aujourd’hui et désigne toutes pratiques homosexuelles, ce qui
pourrait être le cas pour les baisers impudiques. Mais les Templiers ont, en
bloc, rejeté l’accusation de sodomie obligatoire , et
les Inquisiteurs n’ont pas insisté sur ce point, se contentant de relever des
cas individuels : l’homosexualité a toujours existé, à plus forte raison
dans des communautés d’hommes auxquels on interdisait de fréquenter des femmes.
Cela ne pose pas de problème particulier.
    Mais les baisers obscènes reprochés aux Templiers semblent
faire partie d’un rituel que n’ont plus l’air de comprendre ceux qui l’ont
pratiqué. Les dépositions sont formelles. « Je les prenais à part, et leur
faisais me donner un baiser au bas de l’épine dorsale, au nombril et sur la
bouche » (Hugues de Pairaud). » Je le baisai d’abord au bout de
l’épine dorsale, puis au nombril et enfin sur les lèvres » (Raynier de
Larchant). « Toujours à son commandement, je l’embrassai au bout de
l’épine dorsale, au nombril et sur les lèvres » (Pierre de Torteville).
« Le frère Jean me baisa ensuite trois fois, d’abord au bas de l’épine
dorsale, puis au nombril, enfin sur la bouche » (Jean du Tour, trésorier
du Temple de Paris). « Je baisai le précepteur sur les lèvres, au nombril
et aux parties obscènes du bas. J’ai vu recevoir de la même manière le frère
Artus qui était avec moi, et plusieurs autres par la suite » (Pierre de
Bologne). « Le frère qui me recevait me dit brutalement : Baise-moi
au cul » (Nicolas d’Amiens, dit de Lulli). « J’en ai entendu parler
cinq cents fois et plus, c’était de notoriété publique que le reçu baisait le
recevant à l’anus, à moins que ce ne fût le contraire. C’est pour cela,
disait-on, que la réception se faisait secrètement à huit clos » (Guichard
de Machiaco…).
    On pourrait multiplier les citations. Elles sont
remarquablement constantes. À part Pierre de Bologne, qui doit d’ailleurs se
tromper de sens, il s’agit de trois baisers, en commençant par l’anus, en
continuant par le ventre et en finissant par la bouche. Cela veut sûrement
signifier quelque chose. Les commentateurs habituels de l’affaire des Templiers
passent rapidement sur ces répugnants procédés. Ou bien, ils se contentent d’en
rire discrètement, ou bien, très choqués (ce sont des choses dont on ne doit
pas parler !), ils s’en tirent par un biais : ce sont des
enfantillages, du bizutage comme il y en a dans les
grandes écoles ou autres communautés du genre, ou encore chez les militaires
qui, comme chacun sait, ne sont pas très raffinés ni très délicats. Facile à
dire. Mais avant d’essayer d’y voir un peu plus clair, il serait bon de faire
appel, une fois de plus, à Rabelais, ce vieux roublard qui connaissait beaucoup
de choses sur les traditions transmises à travers les siècles précédents. Se
souvient-on que, dans Gargantua , le nom donné par
l’écuyer Gymnaste (dont le nom signifie « celui qui est nu ») est Baise-mon-cul  ? Que dans Pantagruel ,
on assiste à un débat passionné – et complètement incompréhensible au premier
degré tant l’alchimie verbale y est riche d’allusions et de symboles – entre le
seigneur de Humevesne et le seigneur de Baisecul , que l’arme favorite de Frère Jean des Entommeures –
qui aurait fait un excellent Templier – est un bizarre objet phallique du nom
de Malchus (Mal-Cul, avec un jeu de mots sur le roi
Malek) ? Il y a, dans toute l’œuvre de Rabelais, une volonté délibérée
d’insister sur la valeur des souffles, et particulièrement des

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