Gisors et l'énigme des Templiers
officielle. Il semble que ce soit le
symbole du centre de l’Être intégral, de la chaleur et de la lumière, aussi
bien dans la tradition occidentale que dans l’Islam où il signifie le feu de
l’intelligence et de l’amour. On peut se demander si ces cœurs rayonnants ne
sont pas l’illustration du cri de guerre des Templiers : Vive Dieu Saint
Amour !
L’un de ceux-ci est surmonté de quatre feuilles ovales qui
pourraient bien former une fleur. Il est possible que ce soit simplement un
sigle lapidaire d’ouvrier, comme on en remarque dans certaines cathédrales
d’Europe centrale. Mais on peut également l’interpréter comme étant une sorte
de Graal, tout au moins un objet qui contient toute la richesse du monde et
d’où surgissent des végétaux représentant la vie. Il y a, en Bretagne, dans le
monument mégalithique de Gavrinis (Morbihan), une représentation de ce
genre : une sorte de cœur d’où partent des tiges. Mais cette gravure
énigmatique date d’au moins 2 500 ans avant notre ère. Il est vrai
que les symboles n’ont pas d’âge et qu’ils sont constamment réutilisés par les
différentes idéologies qui se succèdent. Il faut cependant signaler qu’à
Gavrinis, la légende locale prétend que les Templiers établis à l’Île-aux-Moines,
non loin de là, venaient parfois sur l’île de Gavrinis et qu’ils y avaient une
maison. À l’intérieur du tertre tumulaire, on montre même trois trous dont les
cavités se rejoignent de telle sorte qu’on peut y passer la main. Et l’on
raconte que des Templiers ont été retenus prisonniers là, les mains attachées
dans ces trous.
À la droite de l’ensemble, il y a une main, très bien
représentée sur la première pierre. Mais depuis la main envoûteuse des grottes
préhistoriques, en passant par la main de bénédiction, et jusqu’à la
« main de gloire » de la tradition germanique, ce signe a de
nombreuses intentions magiques ou religieuses. Cela peut aussi être un appel,
ou un geste de reconnaissance, à moins que ce ne soit encore une fois la
signature d’un ouvrier. La question se posera toujours. Ajoutons que cette main
est voisine d’une double hache, outil inusité mais symbolique, dont on retrouve
la forme dans la francisque.
D’autres graffiti représentent des croix et les instruments
de la passion. Il est possible que le personnage tenant une lance rappelle le
thème du Graal, tout au moins le thème du cortège du Graal, lorsque Perceval
voit un jeune homme porter une lance d’où coulent des gouttes de sang. Mais,
après tout, n’est-ce pas tout simplement la lance du centurion Longin qui,
d’après la Tradition, perça le flanc du Christ ? Là encore, nous sommes
aux origines de la version chrétienne de la Quête du Saint-Graal. Le tout est
de savoir si les Templiers, qui n’étaient pas des intellectuels, et qui
faisaient profession de mépriser les distractions profanes, avaient entendu
parler de cette légende du Graal tout de même très profane et réservée en fait à
un public aristocratique.
Il est bien difficile de se faire une opinion sur ces
graffiti de Chinon. Leur origine est incontestable, mais ils n’apportent rien
de convaincant à la connaissance d’un code secret d’images et de signes que
pourraient avoir utilisé les Templiers. Au fond, ces représentations sont tout
ce qu’il y a de plus orthodoxes [66] .
Il en va de même pour celles que l’on trouve dans une des
tours de l’enceinte de Domme où furent également retenus prisonniers, durant
assez longtemps, des frères du Temple. Ces graffiti ont été étudiés avec soin [67] ,
mais nous ne pouvons guère en tirer de conclusions définitives. Certaines
remarques s’imposent cependant : jamais, mieux qu’à Domme, l’importance du
symbole de la croix n’a paru plus évident chez les chevaliers du Temple. Si la
croix nue entourée des instruments de la Passion n’y figure point, celle-ci se
présente cantonnée dans sa partie supérieure, avec le soleil et la lune :
cette représentation serait très classique si la Vierge n’était remplacée par un
personnage masculin qui n’est pas saint Jean, mais qui semble recueillir dans
un récipient une goutte de sang s’écoulant du bras du Crucifié. Il n’en fallait
pas plus pour y reconnaître Joseph d’Arimathie recueillant le sang du Christ
dans le Graal, d’après la version chrétienne de la légende. Mais le graffiti
est loin d’être net, et de
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