Gisors et l'énigme des Templiers
certaine
émotion : « Son feuillage avait servi de pavillon aux rois et de dais
aux confesseurs et aux pontifes. Calixte et Innocent avaient oublié sous son
ombrage les soucis de la tiare et les pompes de Rome. Saint Bernard y avait
rêvé à ses solitudes. Saint Thomas de Cantorbéry s’y était préparé au martyre.
Guillaume, archevêque de Tyr, y prêcha la croisade ; et c’est là que son
éloquence entraîna dans la guerre de la foi Philippe Auguste et Philippe de
Flandre » [3] .
Faut-il ajouter que Guillaume de Tyr est le premier en date à avoir laissé un
récit sur la fondation de l’Ordre du Temple, bien que, et c’est le moins que
l’on puisse dire, il fût très réservé sur les ordres militaires et ne portât
jamais les Templiers dans son cœur.
Toujours est-il qu’en 1031, à la mort du second roi capétien
Robert II le Pieux, la jeune dynastie est ébranlée par des querelles
internes. La couronne revient à l’aîné des trois fils de Robert, Henri I er . Mais la veuve de Robert, Constance d’Arles, a une
préférence marquée pour son fils cadet, Robert, qui deviendra duc de Bourgogne,
et elle n’hésite pas à soulever les princes du royaume contre le souverain. Vaincu,
isolé, aux abois, celui-ci se réfugie à Fécamp où il demande assistance au duc
de Normandie Robert le Magnifique, lequel n’a pas pris part à la révolte et
promet son aide à son suzerain. La victoire change alors de camp et
Henri I er se trouve confirmé dans sa fonction
royale. Mais pour remercier son fidèle allié, Henri lui cède le Vexin français.
La Normandie s’étend donc jusqu’aux rives de l’Oise, et pour un temps, Gisors
va perdre de son importance stratégique.
Mais le roi Philippe I er ,
conscient du danger que représentait un duché de Normandie si proche de Paris,
occupe le Vexin français, bien décidé à ne jamais le rendre. Guillaume le
Conquérant réclame alors au roi de France ce qu’il considère comme un de ses
territoires, mais en vain. Guillaume marche donc sur Paris. Le roi capétien,
bientôt en difficulté, est sur le point d’être vaincu lorsque le duc de
Normandie et nouveau roi d’Angleterre est blessé devant la ville de Mantes et
meurt à Rouen, quelques jours plus tard, le 7 décembre 1087. Son
successeur ne réclamant pas le Vexin français, il est définitivement rattaché
au domaine royal, et Gisors reprend ainsi toute son importance.
Du côté français, Chaumont et Trie-Château constituaient de
redoutables forteresses qui non seulement protégeaient la route de Paris, mais
pouvaient également servir de base de départ pour des incursions en Normandie.
Du côté normand, Château-sur-Epte perdait de son utilité puisque la route
principale passait maintenant par Gisors. Quant au château de
Neaufles-Saint-Martin, bien que très bien fortifié, il se trouvait trop à
l’écart de l’Epte. C’est pourquoi, en 1097, le duc-roi Guillaume le Roux décida
de faire construire une forteresse à Gisors même. Les plans étaient dus à
l’architecte Leufroy, et les travaux furent confiés à Robert de Bellesme,
chevalier normand qui joignait à sa science d’ingénieur une réputation
justifiée de redoutable batailleur.
Il est difficile, sinon impossible, de savoir quels étaient
les plans primitifs du château, car les bâtiments que nous voyons actuellement
datent en grande partie de la fin du XII e siècle,
et ont subi de nombreux aménagements ultérieurs. L’architecture militaire a
constamment évolué, et les destructions ou restaurations successives témoignent
de cette évolution pour n’importe quelle citadelle. Ainsi, à Montségur,
devons-nous savoir que le château actuel a été remodelé et complété à la fin du
XIII e siècle par les troupes royales françaises
bien après le fameux siège de 1244 : il nous est donc pratiquement
impossible de savoir comment était réellement le château reconstruit au début
du XIII e siècle à la demande des Cathares. Le
problème est le même à Gisors.
Il est probable qu’au début des travaux, la forteresse se
limitait à une motte surmontée d’un donjon en bois et entourée d’une ceinture
de muraille. Puis, sous le règne de Henry I er Beauclerc et sous celui de Henry II Plantagenêt, on a bâti le donjon en pierre,
tout en complétant et en fortifiant le système de défense. C’est en 1123, à la
suite d’une émeute qui avait dressé la population de Gisors contre la
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