Gisors et l'énigme des Templiers
pour son propre compte. Il
passe l’hiver 861-862 de l’autre côté de Paris, à Melun, tandis que les Francs
établissent un barrage fortifié à Pont-de-l’Arche.
Cela n’empêche pas une flotte de sept cents navires de
remonter la Seine en 885 et de mettre le siège devant Paris. Le nouveau roi
Charles le Gros se voit contraint de payer une forte rançon, et la flotte des
envahisseurs reprend la mer en 887. Mais tous les Vikings ne sont pas repartis
pour autant. Un bon nombre d’entre eux se sont établis le long de la Seine,
notamment à Rouen. À leur tête se trouve un chef audacieux et tenace du nom de
Hrolfur, que nous avons l’habitude d’appeler Rollon, à telle enseigne qu’entre
887 et 911 il s’impose comme chef de tous les Vikings de la Basse-Seine. Il
nargue les Francs, mais ceux-ci commencent à se ressaisir et à s’organiser.
C’est d’ailleurs le moment où se met en place, dans le royaume franc, un
nouveau système hiérarchique – qui aboutira à la Féodalité –, et dans le cadre
duquel, de plus en plus, le roi régnera tandis que les
princes gouverneront les territoires qui leur seront
confiés.
Ce nouveau système est implanté au moment où Hrolfur,
quittant ses bases normandes, vient mettre le siège devant Chartres. Une armée
franque dirigée par Robert de Neustrie, Richard de Bourgogne et Ebles de
Poitiers, se précipite contre les assaillants. On prétend que six mille Vikings
restèrent sur le champ de bataille, ce qui semble très exagéré. Hrolfur doit
néanmoins lever le siège et se replier sur la Seine, mais ne manifeste aucune
intention de quitter la Gaule. Bien au contraire, il semble vouloir s’incruster
dans ses bases des boucles de la Seine.
C’est alors qu’intervient le jeune roi Charles III, dit
le Simple. Il n’a pas participé à la bataille de Chartres, mais il utilise la
victoire des princes, qui eût probablement été sans lendemain, pour lui donner
une conclusion politique permettant à moyen et à long terme d’écarter
définitivement le danger viking. Son raisonnement est d’une logique
implacable : Hrolfur a été battu, mais non totalement vaincu. Il constitue
donc toujours une menace qu’il suffit de transformer en garantie. Le chef viking
tenant solidement Rouen et sa région, il faut lui reconnaître officiellement le
titre de comte de Rouen, à charge pour lui de se faire chrétien, d’entrer de
plein droit dans le royaume franc et par suite de protéger cette terre,
désormais sienne, contre toute nouvelle incursion d’Hommes du Nord. Les Romains
n’avaient pas agi autrement avec certains peuples bretons du nord de l’île de
Bretagne pour parer la menace constituée par les Pictes d’Écosse.
Ainsi est conclu, et très rapidement, le traité de
Saint-Clair-sur-Epte. Le roi accepte la fidélité et l’hommage de Hrolfur-Rollon
(qui prend d’ailleurs le nom de Robert) devenu chrétien, en le nommant comte de
Rouen et en lui attribuant quelques pagi [1] autour du comté de Rouen, jusqu’à une frontière délimitée par l’Epte, au nord
de la Seine, l’Eure et l’Avre au sud, ce qui correspond en gros à l’actuelle
région de Haute-Normandie. La partie restant aux Francs forme le petit comté
d’Ivry (Ivry-la-Bataille), et la partie orientale du pagus
Velcassini devient le Vexin français, distinct du Vexin normand. Par la
suite, Rollon ajoutera à ce territoire ce qui correspond aux départements de
l’Orne et du Calvados, et ses successeurs le Cotentin (pris aux Bretons) et le
Passais (région de Domfront). Ainsi est née la Normandie.
Cet accord de Saint-Clair-sur-Epte satisfaisait tout le
monde. Le titre de comte de Rouen signifiait que Rollon était le seul détenteur
d’un pouvoir légitime parmi les Vikings : il était également leur seul
représentant en tant qu’interlocuteur du roi. Mais il était également le comte
« franc » légal, face à la population gallo-franque de son
territoire. Le roi n’avait pas à traiter avec les Vikings ou avec les
Gallo-Francs du nouveau territoire : son seul partenaire était le comte de
Rouen, lequel pouvait organiser « sa » terre à sa guise.
On connaît la suite. La Normandie, alors peu peuplée, est en
partie dévastée. Tout le sud et l’est du pays sont recouverts d’épaisses
forêts. Les rives de la Seine, très prospères à l’époque gallo-romaine, sont
quasi désertes. C’est là que vont essentiellement s’installer les Vikings,
ainsi
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