Gisors et l'énigme des Templiers
c’est de l’Histoire. Il est cependant permis d’ajouter
quelques réflexions. En effet, 1119 est la date de fondation du primitif Ordre
du Temple par neuf chevaliers qui s’appellent simplement « pauvres
chevaliers du Christ ». Or le maître d’œuvre de cette fondation, le chef
incontestable de cette nouvelle milice, se nomme Hugues de Payens, ou de Payns.
Nous ignorons le prénom du chevalier à qui fut confiée la garde de Gisors, mais
on peut se demander s’il ne s’agit pas du même personnage…
C’est en 1123 qu’eut lieu la révolte des habitants de la
ville, soutenus par quelques seigneurs normands, contre le gouverneur Robert de
Chandos. Celui-fit fit allumer des feux pour mettre en fuite les conjurés et les
empêcher d’atteindre le château ; malheureusement l’incendie se propagea,
détruisant une partie de la ville, ainsi que l’église. À la suite de cet
événement, on édifia la fameuse muraille que l’on voit encore aujourd’hui, et
on reconstruisit la ville, laquelle ne cessa dès lors de se développer. Les
tanneries qui avaient constitué la grande richesse de Gisors périclitèrent,
mais d’autres activités firent leur apparition. Et surtout, un grand élan de
ferveur religieuse fit surgir de terre plusieurs monastères. Primitivement, à
l’intérieur des murs, il n’y avait qu’un prieuré bénédictin relevant de
l’abbaye de Marmoutier : il y eut désormais des monastères de Récollets,
d’Ursulines, d’Annonciades et de Carmélites, et, en dehors des murs, une maison
de Trinitaires et une léproserie.
La mort d’Henry Beauclerc fut l’occasion pour le roi de
France de réclamer Gisors et le Vexin. À vrai dire, la situation était confuse.
L’héritier du roi d’Angleterre, duc de Normandie, Guillaume Adelin, était mort
en 1120, lors du naufrage de la Blanche Nef. Alors, le petit-fils de Guillaume
le Conquérant, Étienne de Blois, s’était emparé du trône anglais, mais la fille
d’Henry Beauclerc, l’ impératrice Mathilde, veuve de
l’empereur d’Allemagne, avait gardé le duché de Normandie. Mathilde s’était
remariée avec le comte d’Anjou, Geoffroy Plantagenêt, dit le Bel, et celui-ci
se considérait comme le duc de Normandie. Or, les Normands le détestaient à
cause de ses exactions, et en rentrant de la Croisade, qu’il avait faite en
compagnie du roi de France Louis VII, il donna – par diplomatie – le duché
au fils qu’il avait eu de Mathilde, Henry Plantagenêt. En 1151, sous l’œil
attentif d’Aliénor d’Aquitaine, encore reine de France [4] ,
Geoffroy Plantagenêt conclut un accord avec Louis VII et Henry II
prêta hommage au roi de France pour le duché de Normandie. Henry fit une
soumission qui ne lui coûtait pas cher : il visait déjà deux choses,
Aliénor et son duché d’Aquitaine et les droits qu’il avait, par sa mère, sur le
trône anglais.
L’année suivante, en 1152, le concile de Beaugency annulait
le mariage de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine, qui, quelques semaines
plus tard, épousait Henry Plantagenêt, lui apportant ainsi en dot presque la
moitié du territoire de la France actuelle. Et en 1154, Henri II
Plantagenêt devenait, le plus légalement du monde, roi d’Angleterre.
Gisors va se trouver alors non seulement au centre des querelles
entre Louis VII et Henry II, mais au cœur même des intrigues qui
s’amorcent autour du trône de France.
En effet, le Capétien n’a pas d’héritier mâle. D’Aliénor, il
a eu deux filles, Marie et Alix, qui s’allieront à la Maison de Champagne. De
sa seconde épouse, Constance de Castille, il aura encore deux filles,
Marguerite et Adélaïde. C’est seulement en 1165 qu’il lui naîtra un fils de sa
troisième épouse, Adèle de Champagne, le futur Philippe Auguste. En attendant,
les intrigues d’Aliénor – dont le rêve est de voir ses enfants Plantagenêts
régner en France – aboutissent à des arrangements : Marguerite est fiancée
à l’aîné des Plantagenêts, Henry le Jeune, et Adélaïde au second fils, Richard,
le futur Cœur de Lion. Il semble bien qu’un jour ou l’autre, le trône de France
reviendra à un Plantagenêt. C’est Thomas Becket, alors chancelier d’Angleterre,
qui avait négocié ces fiançailles, et après de nombreuses tractations dans
lesquelles interviennent des Templiers anglais et français, on aboutit à un
accord, en 1158. Mais par suite des manœuvres d’Aliénor et
Weitere Kostenlose Bücher