Gisors et l'énigme des Templiers
Jérusalem, la Coupole du Rocher, qui, on le sait, a la forme d’un
octogone. En fait, il existe dans toute l’Europe occidentale une tradition de
chapelle octogonale qui s’exprime notamment dans les chapelles de
cimetière : c’est le cas de l’octogone de Montmorillon longtemps attribué,
à tort, aux Templiers, et qui leur est antérieur. La chapelle templière de Laon
appartient nettement à ce type : elle a huit côtés, une couverture en
forme de lanterne, et pas de déambulatoire annulaire. « Mais son modèle ne
se trouve pas en Orient : il est à Laon même, dans le cimetière de
l’abbaye Saint-Vincent, où une chapelle octogonale fut bâtie avant l’arrivée
des Templiers dans la ville [23] . »
Cela dit, l’octogone semble avoir une signification liée à sa présence
primitive dans les cimetières : en symbolique zodiacale ancienne, le
nombre huit, correspondant au signe du Lion, évoque l’idée de résurrection.
On pense qu’une chapelle de Metz, près de l’Arsenal, et qui
date du XII e siècle, serait d’origine templière.
Ce n’est pas prouvé. Néanmoins, on retrouve ce même type caractéristique :
un octogone dont chaque pan est percé d’une fenêtre en plein cintre. La
huitième face est ouverte sur un chœur carré que prolonge une abside. Il est
bien certain que là aussi, l’idée de résurrection est mise en valeur. Dans ces
conditions, il faut bien reconnaître qu’il est très tentant de voir dans la
forme octogonale du donjon de Gisors sinon la main même des Templiers, du moins
leur influence. De toute façon, il faut se souvenir que les bâtisseurs de
forteresses étaient les mêmes que les bâtisseurs de chapelles ou de
cathédrales. De plus, à l’époque, la distinction fondamentale que nous opérons
entre le sacré et le profane, le domaine religieux et le domaine laïque n’existait
pas. Par conséquent, on est en droit de soutenir la thèse selon laquelle toute
construction à but matériel, y compris les ouvrages militaires, avait aussi un
but spirituel. Mais encore une fois, il s’agit d’un phénomène général, d’un
état d’esprit commun à tout le Moyen Âge : il n’y a rien là qui puisse
indiquer d’intention précise de la part des Templiers.
C’est pourtant ce qu’on a cru pouvoir déduire de la
commanderie de Sours, en pleine Beauce, près de Chartres, dont la fondation
remonte à 1192, quand Adèle de Champagne, veuve de Thibaud, comte de Blois,
ancien sénéchal de France, légua à l’Ordre du Temple ses terres et habitations
sises à Sours. Cette donation fut approuvée par ses enfants et confirmée par
Philippe Auguste.
Sours devint donc un important établissement dont dépendit
bientôt la maison templière de Chartres, lorsqu’elle fut créée, vers 1225, au
moment de la construction de la cathédrale. On raconte, dans certains milieux
dits hermétistes, que Sours fut le principal lieu des mystères templiers, et
qu’on y célébrait, en grand secret, des cérémonies initiatiques réservées à
quelques privilégiés de l’Ordre, ceux qui détenaient les véritables rênes du
pouvoir. On précise même que Sours constituait le « Centre des
Centres », le haut lieu absolu de tout l’ésotérisme templier. Pourquoi
pas ? Malheureusement, nous n’en avons aucune preuve. Par contre, il est
facile d’établir un lien entre cette tradition templière incontrôlable et la
tradition parfaitement historique qui remonte à Jules César selon laquelle le
pays des Carnutes, c’est-à-dire la région de Chartres, autrefois recouverte
d’une épaisse forêt de feuillus, était le centre religieux de tous les druides
de la Gaule. C’était là, toujours d’après César, que les Druides se
réunissaient chaque année dans un sanctuaire secret, au milieu des bois (dans
un nemeton ), et qu’ils réglaient tous les problèmes les
concernant. Comme certains, dans les milieux hermétistes ou ésotéristes,
veulent absolument que la doctrine des Templiers soit en partie un héritage du
druidisme, il était fort tentant de faire de Sours, situé en pleine Beauce,
donc dans le sanctuaire même des anciens Druides, le centre de l’initiation
templière. Le problème, c’est que nous connaissons fort mal le druidisme, et
presque pas la doctrine des Templiers.
On a raconté des choses à peu près semblables sur Payns, le
lieu d’origine du fondateur et premier grand-maître du Temple, Hugues de Payen,
ou de Payns, et à
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