Gisors et l'énigme des Templiers
dans le
sud de l’enclos, sur l’emplacement de la rue Eugène-Spuller, entre l’aile nord
de la mairie du III e arrondissement et la grille
du square du Temple.
Pourquoi les Templiers ont-ils construit un enclos fortifié
aussi impressionnant en plein Paris ? Pourquoi ont-ils cherché à se
séparer du reste de la ville, tout en augmentant considérablement la surface
qu’ils occupaient en dehors de l’enclos au détriment même des occupants de certains
quartiers qu’ils ne se faisaient pas faute d’exproprier ? C’est qu’à
partir du moment où la Terre sainte était perdue les Templiers ont dû se
replier sur l’Europe, ils ont voulu faire de la commanderie de Paris la maison
« chevetaine » de l’Ordre, et ils l’ont alors organisée en
conséquence. Ce qui est étrange, c’est que la forteresse qu’ils édifièrent
égale les plus puissants de leurs châteaux de Palestine. Pourtant, sous le
règne de saint Louis, ils étaient assurés de la protection du roi de France et
ne pouvaient à première vue craindre grand-chose à l’intérieur de la ville de
Paris.
On peut voir dans cette construction une marque de grandeur,
et même une sorte de défi lancé au roi. On sait que lors de l’émancipation des
villes, les bourgeois, libérés de la tutelle du seigneur ou de l’évêque, ont
tenu immédiatement à construire un beffroi, symbole de leur propre puissance
face au donjon du château et au clocher de la cathédrale. Pourquoi les
Templiers, afin de marquer leur indépendance vis-à-vis de la royauté et de
l’épiscopat, n’auraient-ils pas, eux aussi, voulu montrer clairement leur force
aux yeux de tous ?
Il y a cependant une raison pratique à ce déploiement
orgueilleux et redoutable : ce quartier de Paris était peu sûr. La
population des abords immédiats de la commanderie ne jouissait guère d’une
bonne réputation : il y avait là ce qu’on appellerait aujourd’hui une
« faune hétéroclite » prête à tout. Aux alentours de l’actuelle rue
des Francs-Bourgeois se tenait une véritable « Cour des Miracles » où
pullulaient les coupeurs de bourse et les « coupe-jarrets ». On s’y
volait, on s’y battait et on s’y égorgeait allègrement sans que les archers du
roi puissent intervenir efficacement. De plus, surtout à partir du début du XIII e siècle, le Temple de Paris était devenu la banque
centrale de l’Ordre, et le Trésor royal y était même mis à l’abri. Tout cela
explique largement pourquoi les Templiers ont dû édifier d’aussi importantes
défenses. On sait, par exemple, qu’à Londres, la commanderie du Temple, qui
servait également de banque, avait été plusieurs fois envahie et pillée par des
bandits. Il est bien évident qu’on a voulu éviter que des incidents semblables
puissent se produire à Paris. Il y allait aussi de la réputation du
Temple : a-t-on confiance dans des banquiers qui ne protègent pas leurs
coffres ?
Car les Templiers, ex-pauvres chevaliers du Christ, étaient
bel et bien devenus les banquiers de l’Europe. Leur mission primitive était
quelque peu oubliée, à moins qu’elle n’ait été sciemment détournée. De toute
façon, comme le fait remarquer Georges Bordonove, « on ne saurait nier
tout à fait l’intention d’affirmer la puissance templière, son rang élevé dans
la hiérarchie féodale ». Et il est même possible d’aller plus loin dans
l’interprétation : devenu une puissance économique de premier plan et une
force politique qui comptait, comportant une réserve militaire incontestable,
le Temple suscitait des mécontentements, des jalousies, et pouvait s’attendre à
des retournements de situation si des circonstances nouvelles apparaissaient.
On dirait presque que l’Ordre du Temple avait prévu de longue date ce qui
allait se passer en 1307 : un affrontement avec le pouvoir royal. Mais
lorsque l’affrontement est survenu, il n’a pas su, ou pas voulu, profiter de l’avantage
acquis.
Il y avait évidemment une église dans cet enclos du Temple
de Paris. À l’origine, c’était une simple chapelle romane, bâtie en rotonde,
avec une coupole supportée par six colonnes. Puis, au XIII e siècle,
on lui avait ajouté différents éléments pour agrandir considérablement le
sanctuaire. La chapelle était devenue une véritable église, et l’on ne
distinguait plus guère l’édifice primitif.
On s’est posé beaucoup de questions à propos de
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