Gisors et l'énigme des Templiers
La
Couvertoirade devint un important établissement destiné à héberger les
chevaliers âgés, blessés au combat ou malades. Actuellement, le village est
ceint d’un rempart qui date du milieu du XV e siècle,
et n’est donc pas templier. Le plus ancien monument est, à quelque cinq cents
mètres du village, l’église de Saint-Christol, dont subsistent quelques ruines.
La nef en était du XI e siècle, et, lors de leur
installation, les Templiers l’agrandirent avant de construire en 1249 le
château. L’actuelle église paroissiale est postérieure à la suppression de
l’Ordre. Mais quoi qu’il en soit, La Couvertoirade se présente comme un de ces
villages fantastiques surgis du crayon d’un dessinateur inspiré par les
mystères du passé. Dans le vent qui souffle violemment sur le Causse, on peut
entendre parfois les plaintes des chevaliers qui n’ont pas encore trouvé le
repos dans un autre-monde où s’agitent encore trop les flammes des bûchers. À La
Couvertoirade, si l’on sait écouter les voix qui surgissent de la mémoire, on
comprend peut-être pourquoi ces étranges Templiers se sont installés, au milieu
d’une nature ingrate, entre les cailloux du sol et l’ardeur du soleil ou la
morsure des vents venus des montagnes neigeuses. Le rêve est parfois plus
proche de la réalité que les documents poussiéreux retrouvés dans quelque salle
d’archives où règne une odeur de moisi.
C’est dire que les Templiers gardent leur mystère. À travers
toutes les régions de France, dont ils ont sillonné les routes, ils ont laissé,
ici et là, ailleurs et partout, des ombres qu’il n’est pas facile de dissiper…
DEUXIÈME PARTIE
Qui étaient les Templiers ?
I
LA FONDATION DU TEMPLE
Même si c’est par leur implantation et leurs activités en
Europe que les Templiers excitent un intérêt qui ne se dément pas, il faut bien
reconnaître que leur existence en tant qu’Ordre organisé ne s’explique et ne se
justifie que par rapport aux Croisades. En bref, pas de Croisades, pas de
Templiers. Encore que bien souvent, la formulation contraire soit
valable : dans bien des cas, les Croisades n’auraient pas eu lieu sans les
Templiers. Et c’est bien là que se mesure l’ambiguïté du Temple. Il a été fondé
à Jérusalem, mais aussi à Troyes. Il a été créé pour
agir dans le Moyen-Orient, mais il a agi aussi en
Europe occidentale. Il a été un ordre religieux, mais il a été aussi un ordre militaire. Il a été un élément indispensable
de la politique officielle du pape et des souverains européens, mais il a été aussi une milice parallèle dont les buts restent obscurs. Il
a été une association de moines-chevaliers qui affirmaient leur foi chrétienne et
mouraient pour cette foi, mais il a été aussi un groupe
d’hommes qui – cela est incontestable – reniaient Jésus. Il a été une
collectivité de croyants qui portaient fièrement et ouvertement la Croix Rouge,
mais il a été aussi un bizarre conglomérat d’hommes
venus de tous les horizons et qui crachaient sur la Croix. Il est vrai que
l’étendard du Temple, le fameux Baucéant, ou Baucent, était noir et blanc. On
ne peut pas trouver meilleur symbole pour exprimer la dualité. À moins qu’il ne
s’agisse d’une réalité unique à double visage.
Il est bon d’examiner les circonstances dans lesquelles
apparut l’Ordre du Temple, et quelles ont été les motivations apparentes de ses
premiers fondateurs.
Ces circonstances, ce sont essentiellement les Croisades. En
1095, le 27 novembre très exactement, le pape Urbain II, qui vient de
parcourir l’Occitanie pour s’enquérir des progrès de la réforme de l’Église,
dont s’était fait le champion son prédécesseur Grégoire VII, prêche devant
un concile régional réuni à Clermont. Devant un auditoire d’évêques et d’abbés
parmi lesquels on remarque quelques rares seigneurs laïques, il fustige avec
violence les clercs qui trafiquent les biens d’Église. Il lance également ses
foudres contre les nobles, qui, comme le roi de France Philippe I er , se vautrent dans la luxure, et qui, à l’encontre des
lois de l’Église, violent la Paix de Dieu en se combattant pour des raisons
matérielles ou de prestige, comme les pires des brigands. Cependant, il n’y a
pas de péché sans rémission, et les pécheurs peuvent toujours trouver la voie
du salut. Alors, avec une habileté remarquable, et déjà
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