Gisors et l'énigme des Templiers
n’a jamais été prononcé
avant que Baudouin II ne leur attribue la jouissance d’une aile de son
palais. Donc, en écartant l’idée d’un plan concerté pour que ces chevaliers
soient effectivement des « Templiers », afin de bénéficier de l’ aura mystique d’un tel lieu et de la référence à Salomon le
Bâtisseur et le grand Architecte (en fait, c’est Hiram l’architecte), le
possesseur et dépositaire des secrets du passé, on peut se demander si la
fondation de ce groupe n’a pas été voulue ailleurs par
des gens qui se sont bien gardés de se mettre en avant.
De multiples réponses ont été fournies à ce sujet, et qui
reposent seulement sur des coïncidences ou des présomptions. Il convient
cependant de les examiner afin de tenter d’éclaircir ce qui contribue à faire
de l’Ordre des Templiers une organisation mystérieuse à double visage.
Il y a d’abord bien entendu l’hypothèse d’un Ordre qui
aurait précédé le Temple et qui l’aurait provoqué. Le fameux « Prieuré de
Sion », s’il était moins fantomatique, conviendrait parfaitement à cela.
Le roi de Jérusalem Baudouin I er était le frère
de Godefroy de Bouillon, soi-disant fondateur du Prieuré de Sion. Comme il
paraît certain que la décision d’Hugues de Payns correspondait aux souhaits de
Baudouin, on peut aussi bien admettre qu’Hugues de Payns aurait été mandaté par
le roi de Jérusalem, successeur de son frère Godefroy, pour mettre sur pied
cette Milice du Christ et répercuter dans le siècle l’action secrète menée par
l’Ordre clandestin auquel il appartenait. Pourquoi pas ? Mais, bien
entendu, rien ne peut être prouvé en ce domaine, et les buts de cette
organisation clandestine risquent fort de demeurer à jamais mystérieux,
d’autant plus que le Temple semble avoir subi une certaine évolution par
rapport à ce qu’il était à ses débuts. Certes, les tenants de cette hypothèse
s’en tirent allègrement en prétendant qu’il y a eu rupture entre l’organisation
clandestine et l’Ordre du Temple en 1188, sous l’orme de Gisors. Mais comme il
n’y a pas de preuve concernant cette « rupture », nous ne sommes
guère plus avancés.
Il y a cependant autre chose, lié à cette possibilité d’un
« téléguidage » d’Hugues de Payns et de ses compagnons. Cela remonte
assez loin dans le temps, à l’an Mil très exactement, quand le pape
Sylvestre II, autrement dit le fameux moine Gerbert d’Aurillac, aurait,
dans une lettre, laissé entendre qu’il espérait voir la France récupérer les
Lieux saints pour y chercher les clés de la Connaissance Universelle qui y
étaient déposées. L’authenticité de cette lettre de Gerbert n’a jamais pu être
prouvée. Mais l’idée n’était pas nouvelle : depuis longtemps, on croyait,
dans certains milieux occidentaux, que le Temple de Salomon, construit d’après
des règles précises, obéissant à des lois occultes, recelait des secrets redoutables
et incomparables, ne seraient-ce que les fameuses Tables de la Loi que Moïse
avait ramenées d’Égypte. Le mirage de l’Orient faisait déjà son office, et l’on
imaginait, de bonne foi, que l’Orient avait gardé certaines connaissances que
l’Occident avait perdues. Mais ces connaissances, quelles qu’elles fussent,
n’étaient point divulguées à tout venant. Elles étaient au contraire bien
cachées, et seulement accessibles à quelques « initiés ». De fait,
quand les premiers Croisés eurent conquis Jérusalem, on sait que des clercs
firent entreprendre des fouilles en certains endroits de la ville, en
particulier sous l’ancien Temple de Salomon. De là à imaginer qu’une
« voix » mystérieuse encouragea Hugues de Payns à constituer une
troupe d’élite pour récupérer ces « secrets », il n’y avait qu’un
pas, et qui fut franchi dès le Moyen Âge. L’acharnement avec lequel on
poursuivit les Templiers à partir de 1307, et le soin qu’on mit à les
interroger, prouve en tout cas que les sbires de Philippe le Bel et les Inquisiteurs
soupçonnaient quelque chose de ce genre. Ce n’est pas le Trésor matériel des
Templiers que visait le roi de France, mais de possibles documents ou des
révélations. Il n’a probablement rien obtenu, à moins que les résultats de
certains interrogatoires aient été soigneusement cachés.
En admettant qu’Hugues de Payns et ses compagnons aient été
mandatés pour faire ces recherches, sous
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