Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
années. Et lorsqu’il comprend que sa vocation
l’appelle ailleurs , il ne consent à se faire moine
qu’après avoir convaincu tous ses frères de faire comme lui. On a l’esprit de
famille ou on ne l’a pas. Il n’y a jamais de demi-mesure pour Bernard. Il entre
à vingt ans à l’abbaye de Cîteaux qui venait d’être fondée par le clunisien
Robert de Molesmes. Celui-ci, qui avait vu dans la richesse, le confort et la
puissance des bénédictins une source de décadence spirituelle, avait voulu
revenir à la règle primitive, celle de saint Benoît, et celle de l’irlandais
Colomban. Bernard était acquis aux grandes idées de cette réforme. Comme Robert
de Molesmes et son successeur à Cîteaux Étienne Harding, il prônera
l’austérité, la pauvreté, la pureté, conditions indispensables de la grandeur.
Il y a, chez Bernard, une foi, un enthousiasme, une volonté d’une trempe tout à
fait exceptionnelle. Et tout cela est lié à une intelligence non moins
exceptionnelle. Lorsque, sur les conseils d’Étienne Harding, et sur le choix
des moines qu’on envoie avec lui, il deviendra l’abbé du monastère de
Clairvaux, que les Cisterciens ont décidé de fonder, Bernard sera le point de
mire de la Chrétienté, celui dont on attend les paroles avant de prendre une
décision parce que celles-ci passent pour être les paroles de Dieu. Peu de
personnages ont eu un tel pouvoir par la vertu de l’esprit. Mais si son pouvoir
sur les autres était manifeste, celui qu’il avait – ou qu’il tentait d’avoir –
sur lui-même n’était pas moins grand.
    Il avait compris que l’homme était déchiré, et que c’est en
ce déchirement que résidait son malheur. Pour lui, le retour à l’unité de
l’Être ne pouvait se faire que par l’exemple du Christ. Mais quel Christ ?
Celui qui était mort sur la Croix, ou le Christ triomphant qu’on voit au porche
de certaines églises romanes ? Nul ne peut le savoir. Les hagiographes de
saint Bernard se sont bien gardés d’approfondir la question.
    Il fallait le ranger dans la catégorie des saints
honorables, ceux qu’on peut montrer sans inquiétude à tout le monde. Or, il ne
semble pas que ce soit si simple : il y a beaucoup de mystère autour de
Bernard de Clairvaux.
    On a vu en lui l’héritier d’une tradition occidentale qui
remontait aux Druides et au-delà. René Guénon a dit qu’il était « le
dernier druide des Gaules ». C’est une absurdité. L’action de Bernard de
Clairvaux dément en tous points cette affirmation. Il n’y a pas plus romain que
Bernard, il n’y a pas plus centralisateur, pas plus universaliste que lui, et
c’est, il faut bien le dire, le contraire de l’attitude druidique répercutée à
travers le monachisme irlandais et breton, et infiltrée à petites doses dans le
monachisme continental bénédictin. Rome, au VII e  siècle,
a tout fait pour détruire les Chrétientés celtiques parce qu’elles ne
correspondaient pas au modèle tracé par les papes et leurs affidés, parce
qu’elles se permettaient d’apprécier différemment le message évangélique [35] .
Si le problème s’était posé au XVII e  siècle, nul
doute que Bernard de Clairvaux se fût dressé contre les Chrétientés celtiques
avec la virulence qui lui était coutumière, et dont il a usé contre les
propositions d’Abélard qu’il jugeait trop rationalistes et trop empreintes
d’intellectualisme pour être répandues dans la tourbe des fidèles.
    Persuadé d’être le gardien de la foi et de l’unité de
l’Église, conscient de participer à une évolution de la société chrétienne et
instigateur d’une certaine façon de vivre le monachisme, Bernard de Clairvaux
ne pouvait rester indifférent aux sollicitations d’Hugues de Payns et de ses
compagnons. Pour lui, la notion de profane n’était pas encore dégagée de la
notion de sacré. Dans cette conception du monde, régi par une loi divine qu’il
convient de connaître et d’interpréter, l’homme, comme l’État, est totalement
engagé dans la vie, laquelle est le mûrissement de la rédemption. Quelles que
soient les modifications à apporter à la vie quotidienne de l’homme et de l’État,
et qui demeurent des aménagements, des problèmes d’organisation, les structures
fondamentales de la société – il n’y a pas d’autre société que la chrétienne –
sont ébranlées et d’ailleurs inébranlables, et rien n’appelle un
bouleversement. Du

Weitere Kostenlose Bücher