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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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la plus noire des gondoles. Si c’était vrai, ce ciel d’un bleu d’émail n’était rien d’autre qu’une illusion trompeuse, un gigantesque masque produit par la lumière des étoiles.
    Pris de vertige, il se retourna, revint à son bureau et se rassit. Tout à coup, il eut envie d’ingurgiter au moins une demi-boîte de friandises de chez Demel.
    — Le grand-prince a rendu visite à Kostolany, reprit-il d’une voix lente. Il nous l’a avoué lui-même. Mais pas pour discuter gentiment comme il le prétend.
    — Pourquoi alors ?
    — Pour le tuer. En accord avec Orlov. Troubetzkoï a étranglé Kostolany et a transporté le corps dans le vestibule. Ensuite, il s’est glissé dans la peau du Hongrois. Ce qui n’était pas difficile puisque la reine n’avait jamais rencontré le vrai Kostolany.
    Bossi avait l’air abasourdi.
    — C’est une théorie assez audacieuse, murmura-t-il.
    — Oui, mais facile à vérifier ! Il suffit de montrer à Marie-Sophie de Bourbon les photographies prises sur le lieu du crime.
    — Et le meurtre du père Terenzio alors ?
    — Toggenburg est intervenu, précisa le commissaire. Il est venu chez le commandant ce matin et a rappelé que seule la police militaire était habilitée à enquêter sur des officiers appartenant à des armées alliées. Il craint que la reine de Naples ne s’adresse à la Hofburg si nous continuons d’importuner Orlov.
    — Si votre théorie est juste, Marie-Sophie nous laissera faire après avoir vu les photographies du lieu du crime, observa Bossi.
    — Je vais lui rendre visite le plus tôt possible, promit le commissaire.
    — Et que se passera-t-il si le cadavre n’est pas l’homme qu’elle a rencontré ?
    — Alors, le colonel sera obligé de s’expliquer. Quant à Troubetzkoï, il jouit de l’immunité diplomatique. Nous ne pouvons rien contre lui. Mais nous pouvons peut-être les amener tous les deux à rendre le Titien.
    Bossi déglutit et s’éclaircit la gorge.
    — Un instant, commissaire. Pour être bien sûr de comprendre : donc, Troubetzkoï étrangle Kostolany, s’empare du tableau et va le cacher je ne sais où.
    Tron hocha la tête.
    — Ensuite, reprit le sergent, il transporte par précaution le faux qu’il a acheté à Kostolany deux mois plus tôt sur le Karenine .
    — C’est cela. À moins que la reine n’ait emporté par inadvertance une copie…
    Le commissaire réfléchit un instant. C’était une variante assez compliquée du fait que, dans ces conditions, tous les paramètres se décalaient à nouveau, mais son cerveau fonctionnait en ce moment de manière si brillante que rien ne pouvait l’arrêter. Il dit avec vivacité :
    — Dans ce cas, un schéma opposé s’offre à nous.
    Il s’interrompit en voyant l’expression soudain médusée de Bossi. Le sergent avait du mal à respirer, il râlait comme un homme sur le point de faire une crise cardiaque. Le commissaire se pencha au-dessus de son bureau.
    — Vous préférez que j’arrête, sergent ?
    Bossi se frotta les tempes.
    — Vous voulez que je vous dise ce que je préférerais, commissaire ?
    — Dites.
    — Je préférerais un crime passionnel. Un mari trompé qu’on retrouve à côté du corps de sa femme, un couteau ensanglanté à la main. Et non ces… variantes.
    Tron sourit. Peut-être valait-il mieux changer de sujet.
    — Vous m’y faites penser, sergent. Avez-vous contacté Trieste à propos d’Anna Kinsky ?
    — J’ai envoyé un câble au commissariat. Spadeni est en déplacement à Vérone.
    — Qui a répondu à votre dépêche ?
    — Son adjoint, dit Bossi avec une grimace. Un certain sergent Merulana. Il m’a télégraphié que la consultation des dossiers devait faire l’objet d’une autorisation préalable par le ministère de l’Intérieur.
    — En clair ?
    — Qu’il fallait soumettre une demande à la Kommandantur, qui se chargerait de la transmettre à Vienne.
    — On en a pour six mois.
    Bossi hocha la tête.
    — En effet. Toutefois, le sergent Merulana m’a aussi informé que Spadeni rentrait la semaine prochaine. Par conséquent…
    — Vous pourriez aller à Trieste consulter les dossiers, suggéra le commissaire en souriant d’un air bienveillant. Avec un ordre de mission. En première classe sur l’ Archiduc Sigmund .
    Tron intensifia son sourire bienveillant. Bossi lui semblait avoir besoin de vacances d’urgence.
    — Prenez un peu de bon temps pendant la traversée, sergent.

37
    Mme Leinsdorf, Frau

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