Grands Zhéros de L'Histoire de France
d’autres pour une psychose maniaco-dépressive atypique ! De toute façon, on ne pourra jamais donner une définition exacte de sa folie, car on ne dispose évidemment d’aucun témoignage médical : les astrologues, magiciens et autres sorciers qui ont été amenés à soigner Charles VI ne comprenaient certainement rien à ce qui lui arrivait et tous ont été exécutés pour avoir échoué à améliorer son état ! Au cours de ses crises de folie furieuse, le roi ne sait plus qui il est : il casse la vaisselle, pousse des hurlements, déchire les rideaux, il oublie qu’il est marié et repousse avec effroi sa femme, Isabeau de Bavière. Ces crises sont suivies d’une léthargie complète, puis il se remet doucement, retrouve toute sa tête et reprend les rênes de son royaume. Le problème, c’est que les moments de rémission vont être de plus en plus rares et de plus en plus courts, et pendant que le roi perd tout contact avec le réel, le royaume de France privé de chef sombre dans une des crises les plus terribles de son histoire. La défaite d’Azincourt, en 1415, permet à l’Angleterre de récupérer la Normandie et au roi d’Angleterre de se faire reconnaître comme héritier du royaume de France après qu’Isabeau de Bavière aura déshérité à son avantage son propre fils, le dauphin, futur Charles VII À la mort de Charles VI en 1422, le royaume de France sombre dans une guerre civile qui va le mettre à genoux.
Bien que cela puisse sembler étrange aujourd’hui, plus le roi devenait fou, plus ses sujets l’aimaient ! Le peuple est toujours venu en foule aux processions organisées pour prier qu’il recouvre la santé. Entre 1393 et 1398, on assista à des manifestations de ferveur populaire incroyables et c’est encore le peuple qui quelques années après sa mort lui attribua le qualificatif de « Bien-Aimé ». « Avec Charles VI, nous dit Guénée, on est dans le paradoxe d’avoir un roi inutile et pourtant indispensable ! »
Verdict : indulgence de notre jury pour dérèglements mentaux. Mais, tout de même, un règne qui s’achève avec le sacre d’un Anglais à Notre-Dame comme roi de France, c’est difficile à avaler !
Le général Junot
Autre « faux nul » injustement cité à notre avis parce que réellement pathétique, le général Junot, duc d’Abrantès (1771-1813), ancien sergent de Bonaparte au siège de Toulon devenu par la suite son aide de camp puis son secrétaire. Junot poussait jusqu’au fanatisme son dévouement pour son ami de jeunesse devenu « son » Empereur, au point qu’étant l’un de ses plus courageux officiers, capable de se jeter furieusement à la tête d’ennemis supérieurs en nombre, il pouvait fondre en larmes comme un enfant à la moindre critique de Napoléon. Pour son courage inoxydable sur les champs de bataille, celui ci l’avait surnommé « Junot la Tempête ». Il était le prototype même de l’ami qui multiplie les gaffes, mais auquel on finit toujours par tout pardonner. Napoléon fulminait, sévissait, éloignait son ami, lui assignait quelque nouvelle affectation dans laquelle il finissait toujours par commettre quelque bêtise. Entre ses prodigalités, l’abandon de son poste au Portugal pour rejoindre l’Empereur à Austerlitz, ses accointances avec le banquier Récamier, dont la femme recevait tous les opposants au régime, sa liaison affichée avec Caroline, la sœur de Napoléon, Junot en fit voir de toutes les couleurs à son Empereur adoré.
« Naître de paysans pauvres, être commis au district d’une petite ville, bien résolu à passer sa vie dans un bureau, s’engager sans grand enthousiasme dans un bataillon de volontaires et, douze ans plus tard, se voir gouverneur de Paris, grand officier de l’Empire, grand aigle de la Légion d’honneur et dépenser par an un million et demi, il y a peut-être là de quoi perdre la tête (8) » Le fait est que, le temps passant, Junot avait une attitude de plus en plus étrange. Etait-ce lié aux différentes blessures à la tête qu’il avait reçues au cours des combats ?
Sa femme, Laure, duchesse d’Abrantès que Théophile Gautier qualifiera plus tard de « duchesse d’Abracadabrantes », raconte dans ses mémoires, écrits à quatre mains en 1830 avec Balzac, son amant du moment : « Junot souffrait cruellement de ses blessures depuis son retour de Russie… la dernière surtout qu’il avait reçue en Espagne durant l’hiver 1811 fut d’un
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