Grands Zhéros de L'Histoire de France
Coulisses du boulangisme , qui a cru en son héros, reproche amèrement à Boulanger d’avoir dissimulé sous ses décorations un tempérament velléitaire : « Jamais un gouvernement n’en a remplacé un autre sans une secousse et avec le consentement du pouvoir menacé […]. Boulanger pensait que la toute-puissance viendrait à lui sans qu’il se dérangeât ! […] Le mieux était de rester chez soi, et d’attendre. Ainsi raisonnait ce conspirateur qui ne conspirait pas, cet aventurier qui ne voulut jamais rien aventurer. » Et de conclure par ce trait impitoyable : « Tout le monde se trompa sur son compte, il put bien se tromper lui-même. »
Tandis que Boulanger et sa maîtresse sont en villégiature, Pierre Tirard, appelé pour la deuxième fois à la présidence du Conseil, le 22 février 1889, prend les choses en main. Avec son ministre de l’Intérieur, Constans, il fait courir le bruit d’une arrestation imminente du général. Ce dernier s’enfuit sur-le-champ à Londres, puis à Bruxelles où il va rejoindre sa chère amie.
Hélas, cet exil en amoureux ne durera que quelques mois, car Marguerite souffre de phtisie, maladie à laquelle elle va succomber. Tel un vieux chien fidèle se laissant mourir sur la tombe de son maître, le général Boulanger déchu, en exil, privé de la femme de sa vie, se rend au cimetière d’Ixelles le 30 septembre 1891 et se tire une balle dans la tête sur la tombe de Marguerite. Depuis quelque temps, il disait souvent à son neveu qui l’avait suivi dans l’exil : « Je suis comme une horloge qui a perdu son ressort et rien ne pourra me remonter. » Le journal belge Le Soir décrit les faits : « En cette matinée de fin septembre, vers 11 heures, le général Boulanger s’était rendu à son pèlerinage journalier au cimetière d’Ixelles. Tout à coup, une détonation se fit entendre. On accourut et l’on se trouva en présence d’un homme qui venait de se faire sauter la cervelle. »
Les Français supportent sans doute les défaites héroïques, mais pas les défaites piteuses et encore moins le suicide de ceux dont elle attendait tout sur un terrain plus grandiose que celui des sentiments ! Sans doute est-ce pour cela que nous conservons une image particulièrement négative du malheureux Boulanger ? En tout cas, dans cette affaire, les Allemands, eux, ne s’y étaient pas trompés. Dès 1887, Rubeman, journaliste à L’Écho de Berlin , écrivait : « Le général Boulanger, ministre de la Guerre actuel, n’est pas un génie. Il y a eu Napoléon I er , mais il n’y aura pas de Boulanger I er ! »
Nuls subsidiaires : Dupleix et Montcalm
Voulant laisser sa chance à chacun des personnages cités par mon entourage de figurer dans mon palmarès des zhéros de l’histoire de France, j’ai été amenée à survoler les biographies de deux candidats subsidiaires à la médiocrité : Dupleix et Montcalm. Mais à mesure que j’en apprenais davantage à leur sujet, je me suis rendu compte que si l’un comme l’autre étaient nommés, c’est qu’ils figuraient dans notre mémoire collective comme responsables de la perte d’anciennes colonies. Dupleix, cité comme « nul », car il nous aurait fait perdre les Indes, Montcalm, cité comme « nul », parce qu’il nous aurait fait perdre le Canada. Dupleix et Montcalm, deux zhéros à ajouter à notre collection ?
À vrai dire, pas vraiment. Il apparaît même plutôt avec eux que la postérité se trompe parfois d’un zhéro dans ses calculs ! C’est manifestement le cas avec Dupleix, gouverneur des établissements français de l’Inde de 1742 à 1754. Un rapide survol de sa biographie semble confirmer qu’il fut parfaitement compétent, n’ayant d’autre objectif que la conquête de nouveaux territoires, sources de richesses futures pour son pays. Lorsqu’il est nommé gouverneur, il vit en Inde depuis vingt ans et dirige depuis douze ans le comptoir de Chandernagor, principal établissement commercial français. Devenu gouverneur des comptoirs français, il va développer une politique fondée sur l’entente diplomatique avec les princes indiens et l’occupation militaire par la France de quelques points stratégiques. En échange de quoi il obtient des marchés de cotonnades, produits les plus recherchés du moment par les Européens. Il place donc la France en situation de devenir « la » puissance dominante en Inde.
D’où vient alors qu’il ait été démis de ses
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