Hamilcar, Le lion des sables
dans le camp romain où
les légionnaires fêtaient leur victoire ! Quel contraste avec le camp
carthaginois où régnait un épais silence. Les hommes s’étaient regroupés autour
des feux et n’osaient pas parler. Ils mangeaient tristement, songeant à leurs amis
qui avaient péri et dont les corps gisaient sans sépulture. Le cœur gros,
Hamilcar gagna sa tente, suivi par Juba qui entendit son ami, jusque tard dans
la nuit, sangloter de rage et de désespoir.
Au petit
matin, ils furent réveillés en sursaut par des cris de joie et par des vivats
poussés par les mercenaires. Ils sortirent précipitamment, ne comprenant pas
les raisons de ce brusque changement d’humeur des hommes. Bientôt, ils
joignirent leurs propres voix aux acclamations qui montaient du camp carthaginois.
Hannibal le prudent avait réussi à évacuer ses troupes d’Acragas. Le général
assiégé avait remarqué que les légionnaires célébraient joyeusement leur
victoire. Ils avaient dégarni leurs postes de garde et rappelé leurs
patrouilles. Dans le plus grand silence, Hannibal le prudent avait rassemblé
ses hommes et leur avait donné l’ordre de se munir de couffins remplis de
paille qui leur servirent à combler une partie du fossé encerclant la ville.
Par cette brèche providentielle, des milliers d’hommes se faufilèrent à travers
les lignes ennemies et rejoignirent l’armée d’Hannon. Lorsqu’ils s’aperçurent
qu’Acragas avait perdu ses défenseurs, les Romains y pénétrèrent et firent des
milliers de prisonniers dans la population civile. Bientôt, on vit les malheureux
être exposés sur les marchés d’esclaves. Une vague d’indignation secoua les
villes grecques de Sicile. C’était donc ainsi que les Romains traitaient les
peuples qui avaient le malheur de passer sous leur domination ! Les
citoyens les plus riches sacrifièrent une partie de leur fortune et firent
racheter, pour leur rendre la liberté, la quasi-totalité des captifs. Carthage
elle-même paya une partie de la rançon afin de se concilier les faveurs de ses
alliés et leur prouver que la cité d’Elissa n’oubliait pas ceux qui l’avaient
loyalement servie.
Le fils
d’Adonibaal fut l’un des premiers à saluer Hannibal le prudent :
— Tu
as réalisé un exploit magnifique et tu as sauvé ton armée. Cela me console de
notre défaite d’hier.
— Je
ne comprends pas pourquoi Hannon a si mal manœuvré. C’est à croire qu’il est le
complice des Romains.
— C’est
là une grave accusation que tu portes contre lui et qui pourrait lui coûter la
vie.
— Rassure-toi,
je tairai mes sentiments. Je pense qu’il est surtout incompétent et que le Conseil
des Cent Quatre a eu tort de lui confier le commandement de cette expédition.
Mais je n’ai pas envie de le voir crucifié aux portes de la ville. De plus, je
sais qu’il ne manquera pas d’exploiter mon propre succès en sa faveur. Après
tout, c’est sa flotte qui va nous ramener dans notre patrie.
— Nous
quittons la Sicile ?
— Nos
garnisons sur place suffisent amplement à protéger nos colonies et nos alliés.
Nous n’avons pas besoin d’immobiliser plus de cinquante mille hommes dont
l’entretien coûte cher. De plus, nous avons toujours la maîtrise de la mer et
c’est cela qui importe. Crois-moi, les hostilités ne reprendront pas avant
plusieurs mois. Les Romains se sont emparés d’Acragas mais ils ont subi de
lourdes pertes et ils doivent, eux aussi, reconstituer leurs forces.
Hannibal
le prudent avait vu juste. Le lendemain, la flotte d’Hannon fit voile vers
Carthage après que l’armée eut incendié ses campements et détruit les
équipements qu’elle ne pouvait emporter. Toute la journée, les mercenaires et
les Numides avaient parcouru le champ de bataille pour ramasser les cadavres de
leurs compagnons qui furent brûlés sur d’immenses bûchers dont certains
rougeoyaient encore quand les navires s’éloignèrent des côtes siciliennes.
Chapitre 6
Nonobstant
les mauvaises nouvelles dont elles étaient porteuses, les troupes d’Hannon et
d’Hannibal le prudent reçurent un accueil triomphal à Carthage. Dès que la
flotte fut signalée à l’entrée de la baie, la foule se massa sur les quais du
port marchand et sur les murailles de la ville pour l’accueillir. Dès qu’ils
purent se disperser dans les rues, les mercenaires furent fêtés par les
passants qui leur offraient à boire et les couvraient de menus
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