Hamilcar, Le lion des sables
militaire. Je suis désolé d’encourir ta défaveur car servir sous
tes ordres est un privilège qui me remplirait de fierté. Pourtant, il est vain
de se dissimuler les vraies raisons de nos échecs.
— Je
vais appeler la garde et je te laisse encore une chance. Je te reposerai la
même question que précédemment et tu pourras modifier ta réponse. Faute de
quoi, tu croupiras dans un cachot.
Les
soldats de la garde pénétrèrent dans la pièce. Xanthippos interrogea plus
doucement le fils d’Adonibaal :
— Les
généraux de Carthage sont-ils de bons officiers ?
— Leur
incompétence est la première cause de nos désastres.
— Gardes,
vous pouvez disposer, dit le Lacédémonien. Pardonne-moi, Hamilcar, j’ai voulu
juger de la force de tes convictions. Je sais que tu as raison. Je t’admire car
tu dis tout haut ce que les autres se contentent d’insinuer avec mille
précautions. Tu me plais et je fais de toi l’un de mes adjoints.
— Merci
de ta confiance.
— Je
partage ton analyse et j’ai un service à te demander. Fais en sorte que cela se
sache en ville.
— J’y
veillerai.
— Autre
chose, ce qui me préoccupe c’est de pouvoir connaître l’état réel des forces et
des réserves en armes et en vivres de ta ville. J’ai vainement interrogé à ce
sujet Bostar.
— J’ai
l’homme qu’il te faut, un nommé Himilk. Il était l’intendant de notre propriété
du Beau Promontoire qui a été détruite par les Romains. C’est un serviteur dans
lequel j’ai toute confiance et qui pourra exécuter cette tâche rapidement. Il
se présentera devant toi cet après-midi et restera à ta disposition tant qu’il
le faudra.
Après
cette entrevue, Hamilcar Barca convoqua Épicide et le chargea de propager en
ville le bruit selon lequel Xanthippos était mécontent des généraux
carthaginois. Son ancien précepteur fit merveille puisque, trois jours plus
tard, les tavernes du port bruissaient de discussions animées à ce sujet. Les
derniers partisans de Bostar prévinrent ce dernier de ce qui se tramait et
l’homme demanda et obtint une réunion du Conseil des Cent Quatre.
Xanthippos
s’y présenta, accompagné du fils d’Adonibaal. Marhabaal présidait la séance et
s’adressa à l’officier sur un ton faussement indigné :
— Toi,
un Grec, tu es mécontent de nos généraux ! Est-ce seulement
possible ?
— Vous
devriez l’être tout autant que moi puisqu’ils ont été battus à Adys.
— Les
Romains étaient les plus forts.
— Ce
n’est pas exact. Vos mercenaires se sont courageusement comportés et auraient
pu remporter la victoire s’ils avaient été appuyés par la cavalerie et les
éléphants. Mais il était impossible de les faire manœuvrer sur les hauteurs
escarpées où ils se trouvaient. Pour vaincre, votre armée doit se battre sur un
terrain plat et découvert. Souvenez-vous que Regulus a tout au plus quinze
mille fantassins et cinq cents cavaliers. Si vos éléphants parviennent à semer
la terreur dans ses rangs, il est perdu. Je suggère donc que nos troupes
sortent de la ville et prennent position au nord, près du fleuve Bagradas. Si
vous m’en confiez le commandement, je suis assuré de remporter la victoire.
— Qu’en
pense Bostar ? fit Mahrabaal.
— Je
suis d’accord, dit Bostar. Les critiques de Xanthippos ne me réjouissent pas et
je les considère comme un affront personnel dont je lui demanderai, le temps
venu, réparation. Ce qui prime pour l’heure, c’est le salut de Carthage et ses
remarques sur l’utilisation des éléphants sont judicieuses. La mort dans l’âme,
j’accepte de lui transmettre ma charge si le Conseil des Cent Quatre en est
d’accord.
Le
lendemain, Xanthippos fit sortir par la Porte neuve plusieurs milliers d’hommes
et les fit manœuvrer devant l’enceinte. La foule était massée sur les remparts
et acclamait les soldats qu’on voyait marcher d’un pas martial, pivoter sur la
droite ou sur la gauche, simuler un affrontement ou encercler une autre unité cependant
que des cavaliers portaient sans cesse à leurs chefs les ordres du
Lacédémonien. À la fin de la journée, quand Xanthippos passa les hommes en
revue, ceux-ci frappèrent leurs boucliers avec leurs glaives pour manifester
leur approbation. Hamilcar remarqua que les plus enthousiastes étaient les
rescapés d’Adys. Ils avaient enfin un chef et ne cachaient pas leur joie.
Le
lendemain, sous les ordres du nouveau
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