Hamilcar, Le lion des sables
l’approche
des soldats.
Jusque
tard dans la nuit, à la lumière des torches, l’adjoint de Xanthippos erra au
milieu des cadavres et des râles des agonisants. Il finit par découvrir le
corps sans vie du tribun qu’il fit placer sur un bûcher auquel il mit lui-même
le feu. Il demeura silencieusement face aux flammes jusqu’à ce que le cadavre
fût entièrement consumé. Il rendait hommage ainsi à son ancien convive de
Rhêgion dont l’ultime consolation fut de laver de son sang l’honneur terni des
Cornélius.
À son
retour, dans la matinée, à Carthage, pendant que se déroulait le défilé des
troupes victorieuses, Hamilcar se précipita à l’Amirauté pour y retrouver
Xanthippos. Il eut la surprise d’apprendre que le général lacédémonien avait
déjà quitté la ville pour se rendre à Utique. Un peu plus tard, dans l’enceinte
du Sénat, son père lui expliqua les raisons de ce départ :
— Le
Grec est non seulement un bon militaire mais aussi un fin politique. Sa
magnifique victoire ne lui a pas tourné la tête. Il m’a confié qu’elle lui
vaudrait plus d’ennuis que de trophées et qu’il était trop vieux pour passer
son temps à déjouer des complots. Il a empoché son or – il a été
largement payé – et il est parti discrètement pour Utique d’où il
s’embarquera pour la Grèce.
— Et
ses hommes ?
— Ils
sont toujours à notre service et nous savons à quoi les utiliser. Il faut
châtier les Numides qui se sont révoltés contre le père de Juba et chasser les
Romains d’Aspis.
— Qu’est-il
advenu du consul Marcus Atilius Regulus ? Il paraît qu’il ne figurait pas
parmi les captifs qui ont défilé dans nos rues.
— C’est
vrai. Il est sain et sauf mais nous avons jugé inutile de lui infliger
l’humiliation à laquelle il s’attendait. Après tout, les propositions de paix
qu’il avait formulées étaient d’une sotte impudence et nous aurions pu
légitimement vouloir nous venger en l’exposant aux quolibets de la foule. Avec
les autres membres du Conseil des Cent Quatre, j’ai jugé qu’il était plus sage
de lui manifester le respect dû à un adversaire malheureux.
— Où
est-il ?
— Chez
nous, à Mégara, comme prisonnier sur parole. Il m’a fait le serment solennel de
ne pas chercher à fuir et plusieurs officiers romains appartenant à d’illustres
familles sénatoriales me répondent sur leur vie de sa loyauté. Il le sait et
j’ai toute confiance en lui. Il serait bon que tu ailles lui rendre visite et
que vous parliez ensemble. J’espère qu’il se montrera plus loquace avec toi
qu’avec moi. Interroge-le. J’attends avec impatience le récit de votre
entretien.
Hamilcar
quitta le Sénat et eut du mal à se frayer un chemin à travers la foule joyeuse
qui célébrait la délivrance de la cité. Arrivé à Mégara, il fut accueilli par
Épicide et Juba. Dans ses appartements, il partagea avec eux une coupe de vin
pour célébrer leurs succès. Puis il se fit conduire chez Marcus Atilius
Regulus, installé dans quelques pièces adjacentes. L’homme était prostré dans
un coin, l’air vide et hagard. Il ne se leva pas pour accueillir son visiteur
et fit comme s’il ne l’avait pas remarqué. Après un long moment de silence, le
fils d’Adonibaal s’enhardit à parler à son interlocuteur obstinément
muet :
— Je
te salue, Consul. Es-tu bien installé ? Manques-tu de quelque chose ?
— Salut
à toi, Hamilcar. Je t’ai reconnu dès que tu es entré dans cette pièce. Je n’ai
pas oublié notre rencontre à Rhêgion et notre serment auquel je dois
certainement d’être encore en vie. Ne t’inquiète pas pour moi, je suis bien
traité, trop bien traité.
— Tu
l’es conformément à ton rang. Notre serment n’a rien à voir dans l’affaire. Je
n’étais pas là quand le Conseil des Cent Quatre a statué sur ton sort. Je
recherchais le corps de ton malheureux ami, Caïus Cornélius, afin de lui rendre
les derniers honneurs.
— Sa
famille t’en sera reconnaissante. Tu as bien agi. Je ne suis pas sûr que je me
serais conduit de cette manière si tu avais eu le malheur d’être tué ou d’être
fait captif par mes troupes et ce bien que tu sois fils de sénateur. Encore une
fois, merci de t’être occupé de Caïus. C’était un homme loyal et courageux. La
mort lui aura épargné l’infamie de la captivité.
— Marcus
Atilius, je comprends ce que tu ressens. Tu as été vaincu et
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