Hamilcar, Le lion des sables
protégée. Les assiégés réussirent à envoyer
des émissaires auprès d’Hasdrubal pour réclamer des secours. Hamilcar fut
chargé de conduire par voie de terre plusieurs milliers de fantassins et de
cavaliers pour briser l’encerclement de la cité. Les marches forcées auxquelles
il contraignit ses hommes, ne leur accordant que quelques heures de repos
chaque nuit, ne lui permirent pas d’arriver à temps. Les Romains avaient
débarqué plusieurs dizaines de catapultes dont les projectiles mirent à mal la
muraille de Panormos. Après l’écroulement de la grande tour sise près de la
porte principale, une brèche béante s’ouvrit dans la muraille et les
légionnaires s’y engouffrèrent, pillant la Ville neuve et faisant prisonnières
plus de quinze mille personnes. Enfermés dans la citadelle de la Vieille Ville,
les autres habitants préférèrent négocier les conditions de leur reddition avec
les Romains, abandonnant à leur triste sort leurs malheureux compatriotes déjà
captifs.
Conformément
aux usages, les consuls firent savoir aux autres villes siciliennes qu’elles
avaient la possibilité de racheter les prisonniers trop pauvres pour payer
eux-mêmes leur propre rançon. Un soir, alors qu’il se trouvait dans son camp
établi sur les hauteurs dominant Panormos, Hamilcar fut prévenu de l’arrivée
d’un négociant campanien porteur d’un sauf-conduit délivré par Hasdrubal en
personne. L’homme, un être répugnant, à la mine chafouine et au gros ventre,
pénétra sous sa tente et reprit son souffle avant de se présenter :
— Je
suis Marcus Cetamulus. Je suppose que tu es Hamilcar Barca.
— Effectivement.
Que me veux-tu ?
— Ma
famille a l’honneur de servir les Cornélius depuis plusieurs générations et
Cnœus Cornélius Scipion m’a demandé d’entrer en contact avec toi. Je t’ai
cherché à Lilybée et ton chef m’a fait conduire jusqu’à toi après avoir pris
connaissance du message dont je suis porteur.
— Concerne-t-il
les opérations en cours ?
— Oui
et non.
— Tu
me parais bien mystérieux et je n’apprécie guère ces cachotteries. Parle
clairement.
— Connais-tu
un nommé Alcaïos ?
— Oui.
C’est l’un des citoyens les plus influents de Panormos.
— C’était.
Il faisait partie des habitants de la Ville neuve qui ont été faits prisonniers
et pour lesquels nous exigeons une rançon.
— Dis-moi
ton prix, il sera le mien. Et sache que je rachète aussi sur mes propres
deniers ses esclaves et tous ceux qu’il te désignera. Je te paierai en bonnes
pièces d’or et d’argent et je puis te garantir que tu feras un copieux
bénéfice.
— Il
ne s’agit pas d’argent. Ton ami, ses esclaves et ses proches seront libérés dès
mon retour à Panormos et accompagnés jusqu’à vos lignes. Tu n’auras pas à
verser la moindre somme. Le consul Cnœus Cornélius Scipion veut te remercier de
la sorte pour avoir rendu les derniers hommages à son neveu, le tribun Caïus
Cornélius, après sa mort au combat.
— Comment
est-il au courant de cette affaire ?
— Tu
le sais, Marcus Atilius Regulus est autorisé à correspondre avec sa famille à
qui il a raconté en détail ton geste. La gens Cornélius a été prévenue et ne savait
pas comment t’exprimer sa reconnaissance. Après la chute de Panormos, lorsqu’on
a questionné les captifs pour savoir qui pourrait les racheter, Alcaïos a
mentionné ton nom, ajoutant que tu étais le fils d’un membre du Conseil des
Cent Quatre. Le prétorien qui l’interrogeait a jugé plus prudent de prévenir le
consul et celui-ci m’a demandé de régler cette affaire.
— Remercie
Cnœus Cornélius Scipion pour sa générosité. C’est un homme d’honneur et
j’apprécie son geste. Je regrette simplement qu’il faille une guerre pour que,
de part et d’autre, l’on fasse assaut de grandeur d’âme. Que ne le faisons-nous
en temps de paix ?
— Je
me garderai de te répondre. Ce sont là des préoccupations qui me dépassent.
Avec ta permission, je vais me retirer. Dans deux jours, tes protégés seront
là.
Effectivement,
le surlendemain, un long cortège se présenta à l’entrée des lignes
carthaginoises. À sa tête se trouvait Alcaïos, vieilli et fatigué. Dès qu’il
fut admis auprès d’Hamilcar, il l’étreignit en pleurant doucement :
— Quel
bonheur de te retrouver, fils d’Adonibaal ! Je savais que tu me viendrais
en aide, à moi et aux miens, et
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