Hamilcar, Le lion des sables
Avant cela, la tâche
la plus urgente était de mater la révolte de Gaia, le cousin de Juba. Une
partie des mercenaires amenés par Xanthippos fut chargée de réprimer le
soulèvement. Hamilcar s’était offert avec Juba pour les conduire mais son père
s’y était opposé :
— La
campagne va être rude et impitoyable. Nous punirons très sévèrement les chefs
rebelles et il est inutile que toi et Juba soyez mêlés à cette affaire. Ton
compagnon régnera un jour sur son peuple et certains pourraient alors lui
reprocher d’avoir versé le sang des siens. Il est de son intérêt de ne pas
encourir pareille accusation. Quant à toi, sache bien une chose : les
Numides sont nos alliés depuis les temps lointains de la reine Elissa et
Carthage disparaîtra quand elle perdra leur soutien. Il se peut qu’un jour ou
l’autre, quand tu auras pris ma place ou que tu commanderas nos troupes, tu
aies besoin d’eux. Ils t’offriront leur concours pour autant qu’ils n’aient nul
grief à ton égard. Ne prends donc pas part à cette affaire.
Les
mercenaires de Xanthippos n’eurent guère de mal à réprimer l’insurrection
d’autant plus que bon nombre de chefs numides, ayant appris la défaite des
Romains, jugèrent plus opportun de solliciter le pardon du père de Juba. Pris
avec ses derniers compagnons, Gaia fut avec eux suspendu à des fourches
patibulaires, cependant que les tribus qui l’avaient soutenu jusqu’au dernier
moment furent condamnées à verser une lourde amende de mille talents d’argent
et à livrer vingt mille têtes de bétail.
Les
mercenaires furent de retour à Carthage au début de la belle saison. La
navigation avait repris sur les eaux de la grande mer. Craignant un coup de
main des Romains pour délivrer leur garnison d’Aspis, les Carthaginois
envoyèrent donc au large de leurs côtes une flotte de deux cents navires.
Ceux-ci rencontrèrent à la hauteur du cap Hermaïa les trois cent quatorze
bateaux des consuls Marcus Aemilius Paulus et Servius Fulvius Paetinus. Grâce à
leurs corbeaux, les Romains eurent l’avantage et s’emparèrent de cent quatorze
navires puniques. A Carthage, on s’attendait déjà à un nouveau débarquement des
forces ennemies dans la région du Beau Promontoire que les réfugiés venaient
juste de regagner. Certains d’entre eux, d’ailleurs, préférèrent rebrousser
chemin et leur retour dans la ville provoqua un début de panique. Hamilcar, qui
avait repris ses fonctions de commandant de la garde du Sénat, dut multiplier
les patrouilles dans les rues pour faire régner l’ordre et disperser quelques
attroupements.
Les
craintes des Carthaginois se révélèrent sans fondement. Car les consuls, plutôt
timorés, se contentèrent d’évacuer les survivants de l’expédition de Marcus
Atilius Regulus, encerclés depuis des mois à Adys. Beaucoup d’entre eux ne
revirent jamais Rome. En effet, le long cortège des trois cent quatorze navires
romains et des cent quatorze navires pris à l’ennemi dut affronter une
épouvantable tempête au large de la Sicile. Les chefs militaires avaient voulu,
contre l’avis des pilotes, suivre l’itinéraire le plus rapide mais aussi le
plus dangereux. Quand le vent se leva à la hauteur de Camarine, les navires
furent jetés sur les récifs et les pointes rocheuses de cette partie de la côte
sicilienne. Seuls quatre-vingts d’entre eux échappèrent au désastre.
***
À
Carthage, Hamilcar se morfondait. Il lui tardait de repartir au combat. Quand
le Conseil des Cent Quatre décida d’envoyer en Sicile un général nommé
Hasdrubal avec deux cents navires et cent quarante éléphants, il intrigua pour
faire partie de l’expédition et parvint à ses fins. Son nouveau chef, jugeant
utile de se concilier les bonnes grâces d’un fils de sénateur, avait accédé à
sa requête. La flotte cingla vers Lilybée, la principale place forte punique
dans l’île. À peine débarqué, Hasdrubal soumit ses troupes à un rude
entraînement et effectua plusieurs incursions en territoire ennemi, ramenant
chaque fois un riche butin.
Plusieurs
cités grecques désertèrent alors le camp romain pour faire à nouveau allégeance
à Carthage. L’inquiétude gagna les consuls A. Atilius Caiatinus et Cnœus
Cornélius Scipion, celui-là même auquel sa défaite avait valu le sobriquet
injurieux d’Asina. Avec trois cents navires, ils vinrent mettre le siège devant
la ville de Panormos insuffisamment
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