Hamilcar, Le lion des sables
dit ?
— Il
a promis de veiller sur Marcus Atilius Regulus et il aurait tenu parole si…
— Si
quoi ?
— Si
ce maudit Romain, profitant d’un moment d’inattention de ma part, ne s’était
emparé du glaive d’un cavalier numide pour mettre fin à ses jours. En dépit des
soins qui lui ont été prodigués, il est mort au bout de quelques heures.
— A-t-il
reçu les honneurs funèbres ?
— Ne
t’inquiète pas. Abraham le Cohen l’a fait enterrer à même le sol comme il est
d’usage chez les siens. Je l’ai entendu marmonner dans sa langue, qui ressemble
à la nôtre, des prières. Il m’a aussi questionné sur le consul. Il voulait
savoir d’où il venait et à quel peuple il appartenait. Par le truchement de
notre interprète, j’ai essayé de satisfaire sa curiosité. Une chose m’a frappé.
— Laquelle ?
— Quand
je lui ai expliqué ce qu’était Rome et pourquoi ton ami avait refusé
obstinément de s’évader, il m’a dit : « Je n’aime pas ces gens. Ils
sont trop durs et ils ignorent tout des plaisirs de la vie. Ils veulent forcer
le destin au lieu de s’en remettre à la sagesse du Tout-Puissant. J’ai peur
qu’ils ne soient un jour cause de beaucoup de malheurs pour les miens comme
pour les tiens. » Je te livre ce message tel qu’il m’a été confié.
— J’en
saisis trop bien la signification. Merci, Himilk, de t’être acquitté de cette
délicate mission et sois assuré que je me souviens de la promesse qui t’a été
faite.
Chapitre 9
À Carthage,
la mystérieuse disparition de Marcus Atilius Regulus souleva bien des
interrogations et des polémiques. Soupçonnant Adonibaal et Hamilcar de ne pas y
être étrangers, Baalyathon exigea la réunion d’urgence du Conseil des Cent
Quatre. Devant ses pairs, il se livra à un véritable réquisitoire contre les
Barca, concluant son discours par ses mots :
— Le
consul romain a honteusement violé la parole qu’il nous avait donnée et je
propose qu’il soit déclaré hors la loi sur l’ensemble du territoire de notre
ville. Quiconque le rencontrera aura le droit, que dis-je, le devoir, de le
tuer. C’est ainsi qu’il convient d’agir envers les parjures de sa race. Et, si
une ville étrangère lui accorde l’asile, nous pouvons exiger qu’elle nous le
livre sur-le-champ.
— Baalyathon
a sagement parlé, fit Adonibaal. Je ne comprends pas l’attitude de Marcus
Atilius Regulus. Il avait poussé la fidélité à son serment jusqu’à revenir se
constituer prisonnier alors qu’il aurait pu demeurer à Rome. Je crains fort,
Baalyathon, qu’il n’ait été effrayé par l’annonce faite par tes soins de son
prochain châtiment pour s’être tout simplement comporté en patriote, sentiment
que tu ne semblés pas comprendre. Quelle est sa faute ? D’avoir incité les
siens à poursuivre la guerre ? Qui, parmi nous, n’agirait pas de même s’il
se trouvait dans une situation identique ? En demandant sa condamnation,
Baalyathon, tu as toi-même rompu le pacte scellé entre lui et nous.
— Il
doit être recherché sans trêve et tué comme un chien. C’est le sort que
méritent tous les parjures sur cette terre.
— En
es-tu vraiment sûr ?
— Oui,
cela ne souffre aucune contestation.
— J’admire
ta vaillance et ton courage.
— Que
veux-tu dire par là ?
— Que
ferons-nous si Rome te réclame ? Tu avais donné ta parole de retourner
auprès de Lucius Caecilius Metellus si les pourparlers de paix n’aboutissaient
pas et tu ne l’as pas fait, prétendant avec raison que ta place était ici parmi
nous. Marcus Atilius Regulus n’a fait que t’imiter et, cette fois-ci encore,
l’élève a dépassé le maître.
Un
gigantesque éclat de rire parcourut toute l’Assemblée et Baalyathon, la mine
déconfite, fit signe que la discussion était close.
Quand il
croisa Adonibaal à la sortie de la séance, le sénateur le prit à part :
— Tu
t’es moqué cruellement de moi et je ne te le pardonnerai pas.
— Tu
déraisonnes. J’ai sauvé ton honneur, bien malgré moi. Qui pourra jamais te
reprocher ton geste puisque notre ennemi a cessé d’être irréprochable ? Si
le consul n’avait pas pris la fuite, nos adversaires auraient eu beau jeu de
t’accabler de leurs sarcasmes. Tu peux désormais leur répondre la tête haute,
puisqu’il t’a lavé de ta faute.
— Ce
que je n’aime pas chez vous, les Barca, c’est votre morgue et votre
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