Hamilcar, Le lion des sables
guerre.
— Tu
déraisonnes !
— Au
même titre que les familles des victimes des opérations d’Hamilcar Barca sur
les côtes de Campanie et dans le Brutium.
— Des
raids carthaginois sur nos côtes, c’est strictement impossible !
— Pourtant,
ils ont eu lieu. Avec deux ou trois navires et quelques centaines de soldats,
ce diable d’homme surgit là où on ne l’attend pas, le plus souvent à la tombée
de la nuit. Profitant de l’obscurité, ses troupes pillent et incendient les
propriétés et ravagent les champs ainsi que les vignobles, semant partout la
terreur et la désolation. Au petit matin, il se rembarque et va frapper plus
loin.
— C’est
absurde. Si ce que vous dites est vrai, on m’aurait signalé les mouvements de
ses navires.
— Il
faut croire que tes informateurs ou tes espions sont mécontents des sommes que
tu leur verses puisqu’ils ne t’ont pas renseigné. À propos, tu as bien une
propriété en Campanie, au pied du Vésuve.
— Oui.
— Sache
que tu devras la rebâtir car elle n’est plus que ruines.
— Une
seule chose m’importe : les miens sont-ils sains et saufs ?
— Oui,
Hamilcar les a épargnés sachant qui ils étaient.
— Peut-être
veut-il se concilier de la sorte mon indulgence au cas où je le ferais
prisonnier.
— Ton
orgueil te perdra. Ce Carthaginois ne se conduit pas comme ses compatriotes. Un
fait te le prouvera. Qui sont tes voisins ?
— La
veuve et les enfants de Marcus Atilius Regulus, notre consul mort en captivité
et auquel ses geôliers ont, selon la rumeur, infligé d’horribles tourments.
— Je
doute fort que cela soit vrai si j’en juge d’après la conduite de notre
adversaire à leur égard. Ayant appris qui ils étaient, il les a salués
aimablement, leur a parlé de Marcus Atilius qu’il avait hébergé chez lui et a
scrupuleusement respecté leurs biens. Il a même fait exécuter certains de ses
soldats qui avaient contrevenu à ses ordres.
— Effectivement,
c’est un drôle d’homme !
— Tu
peux le dire. Sache en tout cas qu’un véritable vent de panique s’est emparé de
la Campanie. Les fuyards ont afflué par centaines à Rome où ton inaction
coupable suscite beaucoup de commentaires. Le Sénat nous a chargés d’enquêter
sur tes agissements. Je constate que c’est nous qui t’apportons les nouvelles
que tu aurais dû nous transmettre.
— Je
ne mérite pas vos reproches. Rome, dites-vous, est furieuse. Mais quels moyens
m’a-t-elle donnés pour remporter une victoire contre les Carthaginois ?
Ai-je des éléphants ? Non. Ai-je des navires en nombre suffisant ?
Non puisque nous avons perdu la quasi-totalité de notre flotte à Drépane. Avec
quoi puis-je surveiller les côtes ? Si le Sénat veut m’entendre, je suis
tout disposé à venir m’expliquer. Mais, sachez-le, je recenserai minutieusement
toutes les fautes commises par vous et vos trop fréquents oublis d’envoi de
vivres ou de troupes fraîches. Cela pourrait intéresser le peuple.
— Fabius
Buteo, il ne sert à rien de nous quereller. Nous avons tous plus à perdre qu’à
gagner dans cette affaire et nous voulions juste connaître ta réaction. Nous
sommes conscients des difficultés que tu rencontres et nous ferons en sorte de
pouvoir y remédier le plus vite possible.
— Il
serait en effet grand temps.
Pendant
que les Romains ergotaient, Hamilcar préparait dans le plus grand secret sa
prochaine campagne. À son grand déplaisir, il avait dû constater qu’Adherbal,
après avoir chassé du mont Eryx le consul Junius Pullus, avait évacué cette
position, immédiatement réoccupée par les troupes adverses qui avaient
transformé le temple d’Ashtart en une véritable forteresse. Pour lui il
s’agissait d’une erreur majeure, notamment en raison du prestige dont jouissait
ce sanctuaire en Sicile. Aussi, dès que commença la belle saison, il lança
plusieurs milliers de ses mercenaires à l’assaut de la ville d’Eryx, située à
mi-chemin entre la mer et l’édifice religieux. Galvanisés par la promesse d’un
riche butin, ses hommes s’emparèrent de la cité et parvinrent à s’y maintenir
en dépit de multiples contre-attaques. Rarement l’on vit siège plus compliqué.
Les Carthaginois d’Eryx assiégeaient les Romains réfugiés en haut de la montagne
mais étaient eux-mêmes assiégés par les troupes de Fabius Buteo stationnées au
pied de la hauteur. Fort heureusement, ils avaient pu
Weitere Kostenlose Bücher