Hamilcar, Le lion des sables
leur chagrin.
Hamilcar
n’ajouta pas crédit aux explications de Himilk mais, faute de preuves, ne put
accuser son beau-frère de meurtre. Il était condamné à attendre le jour où il
pourrait enfin le confondre et lui faire payer cher son forfait. Ce drame et la
solitude dans laquelle il se cloîtra encore plus lui firent négliger les
affaires publiques durant de longs mois. Il ne s’intéressa pratiquement pas aux
nouvelles en provenance de Rome. Les Comices avaient refusé le projet de traité
qu’il avait rédigé avec Caïus Lutatius Catulus. Rome exigeait que l’indemnité
portée de 2,200 à 3,200 talents soit versée en dix et non plus vingt ans et que
les Carthaginois s’engagent à ne pas fonder de colonies dans les îles entre la
Sicile et l’Italie. Le Conseil des Cent Quatre accepta ces nouvelles exigences
et la paix fut conclue. Pourtant, ce que tous ignoraient, c’est qu’une nouvelle
guerre allait commencer, opposant Carthage à ses anciens mercenaires.
Chapitre 11
Dans les
rues de Carthage, régnait une agitation fébrile. Depuis la conclusion de la
paix avec Rome, chaque jour arrivaient au port des navires chargés de
mercenaires. Au début, il fut possible de les loger dans les casernes édifiées
le long de l’enceinte. Bientôt, il n’y eut plus de place pour les abriter et
les nouveaux arrivants durent planter leurs tentes à Mégara où ils furent
rejoints, pour certains d’entre eux, d’origine libyenne, par leurs compagnes et
leurs enfants. Condamnés à l’oisiveté, ils passaient leurs journées à se
promener dans la cité et à boire dans les tavernes en se racontant mutuellement
leurs exploits passés. Gaulois, Grecs, Sardes, Baléares, Numides et Libyens ne
se mélangeaient pas entre eux comme si une sourde rivalité les opposait les uns
aux autres.
Tous
cependant furent unanimes à approuver le châtiment infligé par Carthage aux
trois mille déserteurs de l’armée d’Hamilcar livrés par les Romains, moins
respectueux que l’ancien général en chef de la parole donnée à ces hommes. Les
plus chanceux furent condamnés à servir comme rameurs ou furent vendus comme
esclaves. Quelques-uns furent crucifiés, pour l’exemple. Leurs anciens
compagnons de combat estimèrent qu’il s’agissait là d’une juste punition. Eux,
par contre, attendaient avec impatience que le Conseil des Cent Quatre
récompense leurs bons et loyaux services en tenant scrupuleusement tous ses
engagements.
Arrivé par
le dernier bateau en provenance de Sicile, Giscon fut convoqué par le Sénat.
Accompagné de ses officiers, il se présenta devant les membres de l’Assemblée,
exceptionnellement nombreux ce jour-là. Baalyathon présidait la séance et
interrogea son ami :
— Giscon,
tous les mercenaires sont-ils revenus ?
— Oui.
— Combien
sont-ils au juste ?
— Près
de quinze mille et certains servent dans notre armée depuis le début de la
guerre avec Rome.
— Tu
le sais, les caisses du Trésor sont vides et nous ne pouvons pas leur verser
leurs soldes pour l’instant. Nous devons absolument gagner du temps et les
faire patienter.
— Nous
pouvons expliquer aux mercenaires que le calcul de leurs salaires est plus
difficile que prévu. En effet, il y a leur solde d’une part et, d’autre part,
l’indemnité que nous devons leur verser afin de les rembourser des sommes
qu’ils ont avancées pour l’achat de leurs rations de vivres et de leurs
montures. Cela nécessite beaucoup de travail et je suis sûr qu’ils se rendront
à cet argument.
— Ton
conseil est judicieux et nous le suivrons, à une condition.
— Laquelle ?
— Qu’ils
quittent tous la ville pour aller établir leur camp à Sicca. L’espace n’y
manque pas et nous ne serons plus obligés de les supporter dans les rues de
notre ville. Chaque jour, je redoute les conséquences d’une rixe entre nos
concitoyens et des mercenaires avinés. Tant qu’ils seront dans notre cité, ils
constitueront un danger permanent.
— J’avais
prévu ton souhait et j’ai déjà interrogé mes officiers à ce sujet. Leurs hommes
accepteraient volontiers d’évacuer la ville où ils sont mal logés. Mais ils
souhaitent que leurs familles restent au milieu de nous pour surveiller leurs
intérêts et pour s’assurer que nous ne préparons pas un mauvais coup contre
eux.
— Les
familles devront partir aussi. Toutes ces femmes et tous ces enfants dépenaillés
et chapardeurs, je n’en veux
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