Hannibal, Sous les remparts de Rome
l’embouchure de la Medjerda, trois
trirèmes puniques, placées en embuscade, attaquèrent leur quinquérème, tentant,
mais en vain, de l’éperonner. L’un des bateaux s’approcha assez près du navire
romain pour jeter sur son pont plusieurs passerelles d’abordage sur lesquelles
s’engouffrèrent des dizaines d’hommes repoussés à grand-peine par les
légionnaires.
Lucius
Sergius, qui se battait avec un grand courage, remarqua que, sur le rivage, des
soldats romains observaient le combat et encourageaient de leurs cris les
leurs. Il ordonna au capitaine du navire de jeter ce dernier sur la côte.
C’était le seul moyen pour échapper au piège tendu par Azerbaal, agissant sur
l’ordre d’Itherbaal. Le chef de la chiourme fit accélérer la cadence de ses
rameurs dont le zèle redoubla sous les coups de fouet de leurs gardiens.
Bientôt, la quinquérème se fracassa sur un éperon rocheux et fut évacuée à la
hâte par ses occupants cependant que les trirèmes puniques voguaient vers le
large et regagnaient Carthage où Azerbaal rendit compte de sa mission aux
partisans d’Hannibal.
Au petit
matin, un officier se présenta devant le Conseil des Cent Quatre pour annoncer
qu’une patrouille, accomplissant une reconnaissance de routine comme elle le
faisait chaque jour, avait été attaquée par un détachement de cavalerie
romaine. La trêve avait pris fin et la nouvelle s’en répandit rapidement dans
les rues de la cité soulevant une extraordinaire vague d’enthousiasme. Trois
jours après, le Sénat se réunit en séance au temple d’Eshmoun. Écumant de rage,
Hannon le grand interpella Itherbaal :
— Un
jour, nos enfants, lorsqu’ils se promèneront sur les ruines de notre cité, te
qualifieront à juste titre de criminel. Tu as trahi la confiance que j’avais
placée en toi bien naïvement. Je m’étais réjoui de ta modération et je pensais
qu’elle était motivée par le patriotisme le plus noble. En fait, ce n’était là
qu’une ruse démoniaque dont toi et les tiens êtes coutumiers à l’instar de
votre maître, Hannibal. Par ta faute, la guerre a repris et Rome nous fera
payer cher, très cher, cette trahison.
— Tu
es un enfant et tu raisonnes comme un gamin. Nous étions tombés d’accord pour
gagner du temps en attendant l’arrivée d’Hannibal. C’est pour cette raison que
nous avons conclu une trêve avec Publius Cornélius Scipion. Nos troupes sont
revenues d’Italie et n’attendent qu’un ordre de nous pour quitter Hadrim et
voler à notre secours.
— Tu
oublies que nos ambassadeurs se trouvent toujours sur les rives du Tibre et que
les Romains pourraient exercer sur ces hommes, qui comptent parmi les meilleurs
citoyens de notre ville, de cruelles représailles.
— Je
prends à témoin nos collègues de ta stupidité. Crois-tu que j’aie agi à la
légère et que j’aie voulu mettre en danger la vie de nos émissaires parmi
lesquels je compte des amis chers ? Depuis longtemps, mes espions
m’avaient prévenu de leur départ. Ils sont arrivés aux Castra Cornélia le jour
où nous avons reçu ces trois maudits Romains et c’est parce que je savais
qu’ils se trouvaient sur nos côtes que j’ai donné l’ordre à Azerbaal de passer
à l’action.
— Scipion
les fera mettre à mort.
— Là
encore, tu es mal, très mal informé. Cet homme est imprévisible et il semble
délibérément vouloir nous humilier en répondant à chacune de nos traîtrises par
un acte d’une insigne générosité. Il les a libérés, estimant qu’ils ne
pouvaient être tenus pour responsables de nos agissements. Sous peu, comme me
l’ont rapporté mes agents dans le camp romain, ils se présenteront aux portes
de notre ville.
— Crois-moi,
Itherbaal, c’est à Scipion et non à toi qu’ils devront de conserver leur tête
sur leurs épaules.
— Peu
importe. Pour l’heure, nous avons d’autres soucis.
— Tu
nous avais promis que Hannibal ne tarderait pas à venir à notre aide.
— C’est
chose faite. L’un de ses messagers m’a prévenu qu’il avait reçu des renforts de
cavaliers numides qui ont été amenés par Tychaios, un lointain cousin de
Syphax. Le fils de ce dernier, Vermina, lève actuellement des fantassins par
milliers.
— Puisque
tu es si bien informé, sais-tu quelles sont les intentions de ton chef ?
Conformément à ses habitudes, il ne prend pas la peine de nous consulter. Nous
ne sommes rien à ses yeux et il devra,
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