Hannibal, Sous les remparts de Rome
immédiate et de ne pas livrer la bataille le
lendemain.
— Romains,
c’est la preuve qu’en dépit de sa supériorité numérique il est trop las et trop
fatigué pour remporter la victoire. L’espoir a changé de camp. Ne vous laissez
pas impressionner par les premières charges de l’ennemi. Il tentera de semer la
panique dans vos rangs et aura vite épuisé ses forces. À ce moment-là, ce sera
à vous de le bousculer et de le contraindre à prendre la fuite. Demain soir, je
vous le promets, nous fêterons notre victoire.
Quand le
soleil se leva, une chaleur accablante régnait déjà sur le champ de bataille.
Les troupes carthaginoises furent les premières à prendre leurs positions.
Hannibal avait rangé en première ligne ses quatre-vingts éléphants. Jamais il
n’en avait engagé autant dans une seule opération. Derrière eux, il fit placer
ses auxiliaires gaulois et ligures qu’il renforça par ses contingents de
frondeurs baléares et des fantassins numides qui lui avaient été amenés par
Tychaios. En deuxième ligne, se trouvaient l’infanterie carthaginoise et son
homologue libo-phénicienne. Enfin, en retrait, se tenaient les vétérans de ses
armées d’Italie. La droite et la gauche de ce dispositif étaient protégées par
la cavalerie.
En face,
Scipion avait rangé sur trois lignes ses légions flanquées de la cavalerie
italienne et numide commandée par Masinissa. Il avait opéré un seul changement
significatif en espaçant au maximum les manipules, créant ainsi de vastes
couloirs. Les vélites s’approchèrent le plus possible des lignes carthaginoises
et, aidés par les sonneurs de cors et les trompettes, ils firent un tel vacarme
que les éléphants, refusant d’obéir à leurs cornacs, commencèrent à charger,
s’enfonçant dans les couloirs séparant les différentes unités de l’infanterie
romaine qui les criblèrent de traits. Les lourds animaux firent demi-tour et se
lancèrent à l’assaut de leurs propres lignes. Hannibal ordonna alors à son
infanterie lourde de présenter ses lourdes et longues lances si bien que les éléphants
obliquèrent sur la droite et sur la gauche, puis quittèrent en désordre le
champ de bataille.
L’infanterie
carthaginoise était désormais rangée sur une seule ligne. Une charge fougueuse
de Masinissa dispersa la cavalerie ennemie. Quand les légionnaires se lancèrent
à l’assaut des positions carthaginoises, les vétérans d’Hannibal supportèrent
le choc avec courage et repoussèrent une première fois les attaquants. Ils
s’apprêtaient à se lancer à leur poursuite quand ils furent pris à revers et
sur leurs arrières par la cavalerie de Masinissa qui avait rebroussé chemin.
Encerclés, les plus anciens compagnons d’Hannibal périrent tous. Le soir venu,
on dénombra plus de vingt mille cadavres de Carthaginois jonchant le sol et les
Romains s’étaient emparés d’un nombre identique de prisonniers ainsi que de
cent trente-deux enseignes et de onze éléphants. Scipion, lui, n’avait perdu
que deux mille hommes.
Avec les
débris de son armée, Hannibal gagna Hadrim d’où il envoya un messager prévenir
le Conseil des Cent Quatre de sa défaite à Zama. Il n’entendait pas se rendre
dans l’immédiat à Carthage pour des raisons aisément compréhensibles. Il savait
quel sort sa ville réservait aux généraux vaincus et le fait qu’il fut le fils
d’Hamilcar Barca et le vainqueur de tant de batailles ne l’aurait pas protégé
d’une condamnation à la crucifixion. Il préféra donc gagner du temps, afin que
ses partisans puissent mobiliser l’ensemble de leurs forces et garantir sa
sécurité. Quand il eut obtenu toutes les assurances nécessaires, il monta à
bord d’une trirème qui le conduisit jusqu’au cothôn. En franchissant l’étroit
chenal montant aux ports marchand et militaire, il ne put s’empêcher de verser
des larmes. Voilà trente-six ans qu’il avait quitté sa patrie. Il était alors
un jeune adolescent et partait se couvrir de gloire aux côtés de son
beau-frère, Hasdrubal, le fondateur de Carthagène. Aujourd’hui, vieilli et
épuisé par les épreuves, il revenait vaincu pour assister à la reddition de
l’orgueilleuse cité. Conduit au Sénat, il conseilla à ses compatriotes de
mettre bas les armes :
— Les
dieux nous ont abandonnés et il est inutile d’attiser leur colère en cherchant
à poursuivre la lutte. Si Publius Cornélius Scipion décide de prendre
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