Hannibal, Sous les remparts de Rome
de piller. Seule la ville de Rhégium [45] ,
bien que cernée de toutes parts, demeura obstinément fidèle à Rome. Ces
victoires, remportées par une armée dont on disait à tort qu’elle avait été
pervertie par les délices de Capua, valurent de nouveaux ralliements à
Hannibal. Philippe, roi de Macédoine, inquiet des convoitises des Romains sur
les côtes illyriennes voisines de ses domaines, envoya une ambassade au général
borgne pour conclure avec ce dernier un traité d’assistance mutuelle. L’affaire
fut prise très au sérieux par le Conseil des Cent Quatre qui délégua à la hâte
trois de ses membres, Magon, Myrkan et Barmokar, pour conduire les
négociations. L’accord prévoyait que Carthage et la Macédoine conjugueraient
leurs forces en cas d’agression romaine contre l’une d’entre elles. En
récompense de ses futurs bons et loyaux services, Philippe recevrait, à la fin
de la guerre, l’Illyrie et l’Epire mais acceptait, en contrepartie, de
reconnaître le protectorat carthaginois sur le sud de la péninsule italienne.
Encore plus
prometteur était le changement d’attitude des Siciliens et, notamment, des
Syracusains. Pendant de longs siècles, ceux-ci avaient été les fidèles alliés
des Carthaginois et, au début de la première guerre punique, leur souverain,
Hiéron, avait combattu avec les Mamertins et les troupes de la cité d’Elissa
pour chasser de la grande île le corps expéditionnaire romain dirigé par
Claudius Pulcher Asina. Puis, sur un coup de tête, il avait trahi ses
compagnons de combat et était passé au service de Rome, recevant pour prix de
sa trahison de grosses sommes d’argent et la souveraineté sur Messana [46] .
Aujourd’hui, le monarque nonagénaire était tiraillé entre la fidélité envers
les fils de la Louve et les intrigues du prince héritier, Gélon, partisan d’un
rapprochement avec Carthage et qui mourut dans des circonstances mystérieuses,
victime probablement d’un empoisonnement. Après la disparition de Hiéron, son
petit-fils, Hiéronymos, lui succéda et son premier geste, lourd de
signification, fut d’envoyer une ambassade à Hannibal pour sonder les
intentions du général carthaginois. Ce dernier accueillit les députés
syracusains comme de vieux amis et leur fit comprendre qu’il ne leur tenait pas
rigueur de la trahison de Hiéron. Il leur offrit de somptueux présents et les
fit raccompagner en Sicile par deux de ses officiers, Hippokratès et Epikydès,
des Carthaginois dont les ancêtres avaient vécu depuis des temps immémoriaux
dans la grande île au point de porter des patronymes grecs.
Ces deux
hommes négocièrent âprement avec Hiéronymos la conclusion d’un traité. Le jeune
souverain commença par revendiquer, en cas de victoire sur Rome, la moitié de
la Sicile jusqu’au fleuve Himéras [47] .
Puis, se souvenant opportunément qu’il était le petit-fils du roi épirote
Pyrrhus, dont les exploits étaient encore dans toutes les mémoires, il exigea
que le Conseil des Cent Quatre lui reconnaisse la possession de toute l’île,
garantissant en retour aux Puniques la disposition de plusieurs ports et
forteresses moyennant le paiement de lourdes redevances. Ses ambassadeurs,
dépêchés à Carthage, présentèrent ses exigences sur un ton empli d’arrogance
qui provoqua l’indignation de Hannon le grand. Celui-ci supplia les sénateurs,
dans un plaidoyer vibrant, de repousser ces offres indignes et ses arguments
ébranlèrent la majorité de ses collègues.
Prévenue
par Itherbaal, qui avait à grand-peine obtenu le report du vote, Imilcé réunit
les principaux dirigeants du parti barcide dans son palais de Mégara et leur
offrit un banquet dont tous les participants convinrent qu’il resterait dans
les annales de la cité d’Elissa. Les lits de repos avaient été disposés sur une
vaste terrasse protégée du soleil par un immense vélum de lin blanc. Dans les
bosquets, des chœurs avaient pris place et faisaient entendre, au son de la
lyre, des chants suaves et harmonieux. Une nuée d’esclaves des deux sexes se
relayaient pour apporter une multitude de plats raffinés : cygnes et paons
en gelée, autruches rôties, poissons cuits avec des épices rares, fruits frais
et confits provenant des vergers de la propriété, le tout servi avec des vins
envoyés de Campanie par Hannibal. À côté de chaque convive, brûlaient dans des
cassolettes d’argent des parfums provenant de la Seplasia et
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