Hannibal, Sous les remparts de Rome
ma maison et garde-toi de reparaître devant moi ! Va plutôt
rejoindre Hannon le grand pour le compte duquel tu nous espionnes depuis des
années.
Les autres
sénateurs se rallièrent à l’avis d’Imilcé et les envoyés de Hiéronymos
repartirent pour Syracuse annoncer à leur maître que ses revendications étaient
acceptées par le Conseil des Cent Quatre. Le jeune souverain n’eut guère le
temps d’en profiter car il périt, assassiné, à Léontinoi [50] où il avait
conduit son armée pour déloger de cette place forte la maigre garnison romaine
qui l’occupait. Sa mort en elle-même n’avait pas d’importance contrairement au
ralliement de sa ville à Carthage. À son tour, la Sicile faisait défection.
Le fait ne
fut pas sans influer sur les élections qui se déroulèrent à Rome afin de
désigner les nouveaux consuls, élections qui furent présidées par le vieux
Quintus Fabius Maximus. À la surprise générale, lui, qu’on tenait pour un
fieffé conservateur, piétina allègrement la procédure fort ancienne régissant
le scrutin. Le corps électoral était divisé en centuries et les premières à
voter étaient celles réunissant les chevaliers et les citoyens les plus
fortunés dont le choix était généralement entériné par les autres centuries.
Une tradition singulière voulait qu’avant le vote des chevaliers l’on tirât au
sort une centurie prérogative dont l’opinion avait valeur de présage. Cette
année-là, le hasard désigna la centurie des juniores, c’est-à-dire des
hommes âgés de moins de quarante-six ans, de la tribu de l’Anio, vivant à l’est
de Rome. Celle-ci vota massivement en faveur de Titus Otacilius Crassus et de
Marcus Aemilius Regillus, assurés dès lors d’être les prochains consuls.
A la
surprise générale, Quintus Fabius Maximus cassa le vote en arguant que les
candidats étaient soit inéligibles soit indignes d’exercer leurs fonctions.
Marcus Aemilius Regillus était flamine de Quirinus et cette dignité religieuse
lui interdisait de quitter l’enceinte de Rome et donc d’exercer un commandement
militaire. Quant à Titus Otacilius Crassus, neveu par alliance de Quintus
Fabius Maximus, il était, selon ce dernier, incompétent puisque, chef de la
flotte, il n’avait pu intercepter les navires de ravitaillement envoyés par
Carthage à Hannibal. Usant du prestige que lui valait sa qualité d’ancien
dictateur, le vieux Quintus Fabius Maximus convainquit les électeurs de le
nommer consul en compagnie de Marcus Claudius Marcellus, enfin réhabilité.
Ce coup de
force juridique partait d’un bon sentiment et non d’une soif effrénée de
pouvoir. Pour Quintus Fabius Maximus, l’élection annuelle des consuls était un
obstacle à la conduite de la guerre. Les magistrats avaient à peine le temps de
préparer leurs plans de campagne qu’ils devaient céder la place à leurs
successeurs appartenant souvent à la faction adverse. Aussi avait-il décidé de
mettre en place un système assurant la continuité des affaires de l’État :
la prééminence d’un clan dont les membres occuperaient successivement les
postes de consuls, ceux sortants voyant leurs pouvoirs prorogés par
l’attribution d’un proconsulat. En l’occurrence, les bénéficiaires de cette
entorse aux règles traditionnelles étaient les partisans des Fabii, leurs
adversaires, les membres de la gens Cornelia, dont les plus illustres
représentants étaient Publius et Cnaeus Cornélius Scipion, se voyant expédier
au loin, en Ibérie, sans grand espoir d’être rappelés avant de longues années.
En
attendant la reprise des opérations contre Hannibal, les deux nouveaux consuls
durent mener à bien une réforme monétaire rendue indispensable par les
dévaluations successives de l’as, la monnaie de bronze, dont la chute, au
lendemain de Cannae, avait provoqué un renchérissement des denrées alimentaires
et l’appauvrissement de la plèbe. Réunis en petit comité, les sénateurs
décidèrent la création d’un denier d’argent, dont la face s’ornait d’une tête
casquée représentant Rome. Quant aux impôts, ils furent lourdement augmentés et
les familles les plus fortunées durent verser des contributions volontaires
pour équiper la flotte et les nouvelles légions, leur seule consolation étant
que ces avances leur seraient ultérieurement remboursées par l’attribution de
terres prélevées sur le domaine public.
Ces
mesures sans précédent
Weitere Kostenlose Bücher