Hannibal, Sous les remparts de Rome
proximité des positions carthaginoises
dont ils étaient séparés par une colline boisée qui paraissait inoccupée.
Dans le
plus grand secret, Hannibal avait ordonné à sa cavalerie numide de se
dissimuler à l’abri des épaisses futaies. Ils y restèrent trois jours, sans
recevoir le moindre ravitaillement. Chez les Romains, les jeunes officiers
s’impatientaient, pestant contre l’inaction des consuls. Beaucoup d’entre eux
suggéraient de s’emparer de la hauteur boisée avant que l’adversaire ne le fît.
Soucieux de s’attirer leurs faveurs, Marcus Claudius Marcellus décida
d’interroger les entrailles d’animaux offerts en sacrifice afin de savoir si le
sort lui sourirait. Le verdict rendu par les haruspices fut mitigé. Le foie de
la première bête était normal, celui de la seconde déformé par une énorme
protubérance. On se trouvait donc en présence d’un premier présage favorable et
d’un autre défavorable et les devins conseillèrent au général de surseoir à
l’opération projetée. Ce dernier refusa et, suivi de son collègue, partit à la
tête d’un détachement de deux cents cavaliers. Les Numides les laissèrent
s’engager dans la forêt puis, quand ils furent suffisamment loin de leur camp,
fondirent sur eux. Transpercé d’un coup de lance, Marcus Claudius Marcellus
tomba de cheval et fut achevé par un cavalier ignorant l’identité de sa
victime. Titus Quinctius Crispinus, lui aussi blessé, parvint toutefois à
s’enfuir et à regagner les positions romaines. Il ordonna la retraite et mourut
lors de celle-ci, n’ayant pas supporté la fatigue du voyage, sur une litière
spécialement aménagée pour lui. Avant de rendre l’âme, il ordonna d’envoyer des
courriers prévenir les cités et les garnisons voisines de la mort de Marcus
Claudius.
La
précaution n’était pas inutile car Hannibal avait récupéré sur le cadavre du
consul sa bague sigillaire. Il avait fait confectionner de faux messages que le
sceau du magistrat était supposé authentifier. Il se dirigea vers Salapia, une
ville perdue deux ans auparavant par ses troupes, où il comptait trouver de
nombreux approvisionnements. Un transfuge romain partit en avant, porteur d’une
lettre frappée du sceau de Marcus Claudius Marcellus. Les magistrats de la
ville, avertis du stratagème, firent mine de se réjouir de la prochaine arrivée
du consul et renvoyèrent l’émissaire. Le chef punique, confiant dans le succès
de sa ruse, plaça en tête de son armée les déserteurs des légions romaines qui
virent les portes de la cité s’ouvrir devant eux. La herse avait été relevée et
ils s’engouffrèrent dans l’enceinte. Soudain, un bruit sourd se fit entendre.
La lourde grille de fer avait été redescendue et les transfuges, encerclés,
furent massacrés sans pitié. Hannibal et ses hommes ne purent rien faire pour
empêcher cette tuerie et se replièrent en bon ordre vers le Bruttium, délivrant
au passage Hannon le Samnite assiégé dans Locres.
Pour
remplacer les deux consuls défunts, Titus Manlius Torquatus, désigné comme
dictateur, fit nommer deux de ses proches, Caïus Claudius Néron et le vieux
Marcus Livius Salinator, jadis condamné à l’exil pour prévarication. A Rome, un
vent de panique soufflait. En effet, conformément à la stratégie mise au point
à Gadès, Hasbrubal Barca avait rassemblé plusieurs milliers de fantassins et de
cavaliers. Contournant les territoires occupés par l’ennemi, il s’était dirigé
vers les Pyrénées et le Rhône. Après les avoir franchis, il réitéra l’exploit
de son frère même s’il choisit, pour traverser les Alpes, un itinéraire moins
risqué que la voie hérakléïenne. Au printemps, il se trouvait dans la plaine du
Pô où les chefs gaulois, pour lesquels la guerre était une nécessité, lui
firent bon accueil.
Titus
Manlius Torquatus décida de ne pas rappeler d’Ibérie les légions de Publius
Cornélius Scipion, devinant le piège que lui tendaient les Carthaginois. Il
préféra s’en remettre aux dieux protecteurs de sa cité. Après consultation des
pontifes, il organisa des cérémonies grandioses en l’honneur de Junon dont le
temple, situé sur l’Aventin, avait été frappé par la foudre. Vingt-cinq femmes,
choisies parmi les plus fortunées, durent sacrifier une partie de leur dot pour
offrir à la déesse un bassin en or. Puis un chœur de trois fois neuf jeunes
filles se dirigea en procession vers le
Weitere Kostenlose Bücher