Hannibal, Sous les remparts de Rome
nourrissait une certaine méfiance envers les Barca,
leur préférant le fils de Giscon, l’un des membres les plus influents du
Conseil des Cent Quatre.
Il lui
dressa un tableau plutôt pessimiste de la situation. Publius Cornélius Scipion,
après avoir hiverné à Tarragone, avait été rejoint par un ancien consul, M.
Juius Silanus, auquel il confia la garde des régions situées au nord de l’Ebre.
Lui, avec vingt-cinq mille fantassins et deux mille cinq cents cavaliers
franchit l’Ebre et se dirigea à marches forcées vers le sud. Ses espions
l’avaient informé que les trois chefs puniques se trouvaient tous à plus de dix
jours de marche de Carthagène et qu’il pouvait donc s’emparer de la cité si la
chance lui souriait. Le préfet de la flotte, Laelius, l’un de ses protégés,
naviguait le long des côtes, suivant la progression rapide de son infanterie.
Bientôt, il mouilla l’ancre devant la ville, située au fond d’un golfe étroit
et profond, empêchant les navires carthaginois de prendre la mer.
Scipion,
lui, installa son camp à l’est de Carthagène. A cheval, il inspecta les
environs et repéra vite l’existence d’une lagune qui communiquait avec la mer
par un étroit chenal et qui n’était pratiquement pas gardée. Or, le soir tombé,
le général romain remarqua que, dès que le vent se levait, les eaux de la
lagune baissaient considérablement et se retiraient en direction du chenal,
offrant ainsi à ses hommes un gué aisément franchissable. Pour s’en assurer, il
observa, deux jours durant, la répétition de ce phénomène et comprit le parti
qu’il pouvait en tirer. Ayant rassemblé ses hommes, il les harangua :
— Soldats,
vous savez que les dieux me comblent de leurs faveurs pour me remercier des
nombreux sacrifices que je leur offre. Cette nuit, Neptune m’est apparu en rêve
et m’a promis de venir à notre aide en faisant un miracle que je ne puis encore
vous révéler. Aussi, demain, lorsque la bataille s’engagera, soyez assurés que
vous remporterez la victoire. Gardez-vous de faiblir, de crainte d’irriter ce
dieu et de le décevoir.
Au petit
matin, Scipion disposa une partie de ses hommes à l’est de la muraille sur un
terrain plat et découvert. Bostar en profita pour tenter une sortie mais ses
hommes furent rapidement repoussés par les charges de la cavalerie romaine
dissimulée derrière une épaisse haie de roseaux. En fin d’après-midi, le fils
de Pomponia rassembla cinq cents de ses meilleurs soldats et leur fit remettre
de hautes échelles de bois. Quand l’eau de la lagune commença à baisser,
transformant celle-ci en une simple mare boueuse, il leur dit :
— Je
vous avais promis que Neptune viendrait à notre secours et vous pouvez
constater qu’il a tenu parole. Traversez le plus vite possible cette lagune, du
moins ce qu’il en reste, et escaladez l’enceinte dépourvue de défenseurs. Dès
que vous aurez pénétré dans la ville, ne vous livrez pas au pillage mais
repoussez la garnison carthaginoise en direction de la citadelle cependant
qu’un détachement ouvrira les portes à vos camarades. Ce soir, foi de Scipion,
nous dormirons à Carthagène.
Les hommes
s’élancèrent dans l’eau qui n’atteignait même pas leurs genoux, et se
retrouvèrent bientôt en haut de la muraille puis se dispersèrent à travers les
ruelles étroites de la ville, repoussant devant eux la garnison carthaginoise
saisie de panique et que ses officiers firent précipitamment rentrer dans la
citadelle. Juchée sur un piton escarpé, ils auraient pu y soutenir un long
siège, ne manquant ni d’eau ni de vivres. Mais Bostar, qui ne se caractérisait
pas par sa vaillance, estima toute résistance inutile et envoya deux officiers
négocier les conditions de la reddition. Il était prêt à livrer la ville à
condition de recevoir l’assurance que lui et ses hommes seraient prisonniers
sur parole et qu’en aucun cas ils ne seraient échangés contre les captifs
romains détenus par Hasdrubal et Magon. Ils savaient qu’en retombant dans les
mains des Carthaginois ceux-ci leur feraient payer cher leur trahison.
Quand elle
eut vent de ces discussions, Imilcé convoqua Bostar et tenta de le convaincre
de ne pas déshonorer le nom de sa famille et de poursuivre la lutte. Devant son
refus, elle se retira dans ses appartements pour se préparer à la mort. Elle ne
voulait pas tomber vivante aux mains des Romains, sachant que ces derniers
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