Hannibal, Sous les remparts de Rome
sanctuaire en chantant un hymne
spécialement composé par Livius Andronicus, un esclave grec de Tarente
affranchi par Marcus Livius Salinator. Le cortège était précédé par deux
génisses blanches qui tombèrent sous le couteau des sacrificateurs.
Les
prières des Romains furent exaucées. Hasdrubal Barca avait perdu beaucoup de
temps à recruter des mercenaires ligures et à assiéger, pour s’attirer les
faveurs des chefs gaulois, la place forte de Placentia. Puis il avait longé les
côtes de l’Adriatique, envoyant à son frère, stationné à Canusium, des
messagers, quatre Gaulois et deux Numides, pour lui suggérer d’opérer en Ombrie
la jonction de leurs armées. Ceux-ci furent faits prisonniers par les Romains,
désormais informés des intentions de leurs adversaires. Ignorant ce fait,
Hasdrubal poursuivit sa marche, obligeant ses soldats à de longues étapes
diurnes et nocturnes. Sur sa route, il se heurta aux légions commandées par les
deux consuls et solidement retranchées à Sena Gallica [59] , à proximité du
fleuve Métaure.
Les
troupes du général punique étaient trop épuisées pour pouvoir livrer bataille
et leur général décida d’éviter l’affrontement. Il lui fallait pour cela
franchir la rivière et il erra pendant cinq jours à la recherche d’un gué,
talonné par les Romains. Ces derniers finirent par le contraindre à engager le
combat dans les conditions les plus défavorables pour lui. Le dos au fleuve,
Hasdrubal Barca renonça à édifier un camp fortifié. Il disposa les éléphants,
derrière lesquels s’alignèrent ses recrues ligures, en première ligne, et plaça
les mercenaires gaulois, protégés par une colline. Lui prit le commandement du
centre, constitué par ses vétérans ibères, l’aile droite étant occupée par sa
cavalerie qui aurait à supporter les charges des cohortes dirigées par Marcus
Livius Salinator.
Le fils
d’Hamilcar fit donner les montagnards ibères qui infligèrent à leurs
adversaires de lourdes pertes. Il reçut l’appui des éléphants, pour un temps du
moins. Car, bientôt, leurs cornacs ne parvinrent plus à les contrôler et les
animaux errèrent tantôt dans les lignes carthaginoises, tantôt dans les lignes
romaines, provoquant un début de panique. Leurs conducteurs furent contraints
d’abattre la plupart d’entre eux en usant d’une lame et d’un maillet qu’ils
enfoncèrent à l’articulation de la nuque des pachydermes. Ceux-ci, blessés à
mort, s’effondraient sur le sol, privant les Puniques d’un atout considérable.
Pourtant,
à cet instant du combat, Hasdrubal Barca était persuadé d’avoir remporté la
victoire, en dépit de ses pertes énormes, car les troupes de Claudius Néron
étaient bloquées depuis le début de la matinée par la colline derrière laquelle
se trouvaient les Gaulois alliés des Carthaginois. C’est alors que le consul
eut une idée de génie. Sans prendre l’avis de son collègue, il fit battre en
retraite ses hommes et les fit passer derrière les lignes de l’autre consul,
prenant à revers Hasdrubal dont les soldats se débandèrent, abandonnant leurs
armes et leurs équipements. Bientôt, le général carthaginois n’eut plus autour
de lui qu’une mince escorte de cavaliers numides. Il était trop intelligent
pour ignorer qu’il ne lui restait plus qu’à choisir entre la captivité et la
mort. L’honneur lui commandait de ne pas tomber aux mains du vainqueur qui
l’aurait contraint à défiler, enchaîné, dans les rues de Rome.
Pendant
quelques instants, il ferma les yeux et revit en songe les principaux moments
de sa vie ainsi que ses lieux préférés. La dernière image qui traversa son
esprit fut le jardin de Mégara, où, avec Hannibal, Magon et le fils de Juba, il
s’amusait à reconstituer en miniature les batailles menées par son père. Que de
fois n’avait-il pas été obligé de succomber sous les assauts furieux de ses
frères qui ne manquaient pas ensuite de le réconforter et de lui prodiguer
mille attentions ! Aujourd’hui, ce n’était plus un jeu et il était
persuadé que Melqart et Baal Hammon lui réserveraient un bon accueil s’il
savait mourir en digne fils de la cité d’Elissa. Aussi, au cri de « Pour
Carthage », il se lança vers une cohorte de légionnaires qui le dardèrent
de leurs lances et de leurs javelots. On le vit tomber en tournoyant de son cheval
et griffer le sol de ses ongles. La vie ne parvenait pas à quitter
Weitere Kostenlose Bücher