Hannibal, Sous les remparts de Rome
retirer lorsque la cavalerie romaine
tomba sur leurs arrières. Pendant trois longues journées, les adversaires
s’observèrent de loin.
Publius
Cornélius Scipion ne souhaitait pas commencer les combats avant d’avoir
soigneusement étudié le comportement de son adversaire. Debout dès le lever du soleil,
il remarqua qu’Hasdrubal fils de Giscon cédait à la routine. Chaque matin, il
faisait manœuvrer ses troupes selon un ordre immuable, plaçant les vétérans
africains au centre de son dispositif et les éléphants et la cavalerie sur les
ailes, couverts par les montagnards recrutés par Magon. Le Romain décida de se
montrer aussi peu imaginatif que le chef punique. On le vit contraindre ses
troupes à exécuter mécaniquement les mêmes manœuvres, les légions étant placées
au centre et les contingents ibères de part et d’autre de celles-ci. Il prit
soin d’ordonner à ses alliés montagnards de se montrer malhabiles et les
Carthaginois purent, en se gaussant, observer les efforts que Publius Cornélius
Scipion déployait pour les obliger à se plier à sa tactique.
Quand le
jour de la bataille fut venu, Hasdrubal ne changea rien à l’ordonnancement de
ses troupes et Scipion fit de même en apparence. Toutefois, en plein milieu de
la journée, alors que des escarmouches opposaient leurs avant-gardes
respectives, il modifia du tout au tout ses plans. Les contingents ibères
occupèrent le centre de son dispositif cependant que les légionnaires se
déployaient à droite et à gauche de leurs alliés. Puis les cohortes opérèrent
un virage à quatre-vingt-dix degrés, vers la gauche pour l’aile droite et
inversement pour l’aile gauche commandée par Lucius Marcius Septimus. Cette
masse de fer bouscula les éléphants et les troupes indigènes au service de
Carthage Quant aux vétérans africains, épuisés par une longue attente et une
série de mouvements désordonnés, ils virent les fantassins ibères de Scipion,
demeurés jusque-là inactifs, enfoncer leurs rangs. Ils se replièrent tout
d’abord en bon ordre avant de céder à la panique et de se disperser dans tous
les sens.
Le fils de
Giscon se réfugia à Gadès d’où il dépêcha des ambassadeurs à Carthage pour
solliciter l’avis du Conseil des Cent Quatre. Ses partisans dans cette
assemblée obtinrent qu’il fut rappelé avec la majeure partie de ses troupes,
lui assignant toutefois la mission de se rendre chez le roi numide Syphax pour
s’assurer de la fidélité de ce dernier. Magon demeura seul, avec une petite
garnison, à Gadès, dont les habitants lui firent bientôt comprendre qu’ils
n’étaient pas prêts à se sacrifier pour conserver à la cité d’Elissa sa plus
ancienne colonie en Ibérie. Furieux, Magon fit exécuter les principaux
magistrats de la cité, s’empara de leurs richesses et, avec ses troupes et
quelques centaines de civils carthaginois, s’embarqua pour les Baléares,
laissant Masinissa regagner ses domaines par ses propres moyens. Le frère
d’Hannibal ne put s’empêcher de pleurer en voyant s’éloigner les côtes ibères.
Le royaume barcide dans cette partie du monde avait cessé d’exister et cela
signifiait l’écroulement du rêve fou nourri par son père, le vieil
Hamilcar : assurer à sa ville un empire compensant la perte de la Sicile
et de la Sardaigne.
L’accueil
que Magon reçut aux Baléares lui indiqua que les temps avaient changé. La
présence punique dans ces îles remontait aux temps les plus lointains et ses
habitants avaient toujours fourni à sa cité des contingents de mercenaires, en
particulier des frondeurs, sans jamais rechigner. Cette fois, les succès
romains incitaient les dirigeants locaux à la prudence. Tôt ou tard, les
navires de Laelius, le préfet de la flotte, croiseraient au large. A Ibiza, le
frère d’Hannibal fut accueilli sans grand enthousiasme mais l’or qu’il avait
soustrait aux riches négociants de Gadès lui permit de voir les rangs de son
armée grossir de plusieurs centaines de jeunes guerriers, attirés tout autant
par le montant élevé de la solde que par le désir de quitter une terre trop
ingrate pour nourrir tous ses fils. D’Ibiza, il passa à Majorque dont les chefs
lui firent grise mine. Tous les hommes en état de combattre avaient pris la
fuite, se cachant dans des grottes ou dans des repaires inaccessibles. Ne
restaient plus que les vieillards, les femmes et les enfants que le chef
punique se refusa à prendre en
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