Hannibal, Sous les remparts de Rome
rien du sort de la guerre. Lors de notre
précédent conflit avec la cité d’Elissa, les opérations qui ont conduit notre
plus mortel ennemi à signer un traité avec Gaïus Lutatius se sont déroulées en
Sicile et c’est parce qu’Hamilcar a été obligé d’abandonner Drepanum et le mont
Eryx que nos emblèmes ont été victorieux. Quelle meilleure gloire y aura-t-il
pour notre jeune consul : défaire Hannibal sous les murs de Carthage ou
bien être le libérateur de l’Italie après avoir été celui de l’Espagne ?
S’il tient tellement à affronter le général borgne, qu’il le fasse sur notre
sol !
— Les
propos de Quintus Fabius Maximus, rétorqua Scipion, sont en apparence empreints
de sagesse et de prudence. Nous lui savons tous gré d’avoir su rétablir la
situation de nos armées après les écrasantes défaites que leur infligea
Hannibal. Il a gagné du temps, évité de nouvelles batailles, pour lesquelles
nous n’étions pas préparés, et cette politique a porté ses fruits, en son
temps.
Cette
époque, Pères conscrits, est toutefois désormais révolue car c’est Carthage et
non Rome qui est maintenant aux abois. Nos ennemis ont perdu leurs possessions
au-delà des colonnes de Melqart, Hasdrubal Barca a trouvé la mort le long du
fleuve Métaure. Hannibal n’est pas en meilleure posture et il n’est pas besoin
d’envoyer contre lui nos légions. Il se charge lui-même d’organiser sa propre
défaite et je n’entends pas le priver de ce plaisir.
Un fait
nouveau est de surcroît intervenu : le changement d’attitude des princes
numides. Tu as mentionné avec raison le précédent de Marcus Attilius Regulus.
Si ce dernier a été vaincu, c’est parce qu’il ne disposait pas d’alliés sur
place. Ce n’est pas notre cas. Syphax, le roi des Masaesyles, a signé un traité
d’amitié avec nous et ses troupes se joindront aux nôtres pour porter à
Carthage un coup fatal.
— Tu
n’ignores pas que ses promesses n’ont aucune valeur, fit Quintus Fabius
Maximus. Déjà, dans le passé, il s’était proclamé notre ami et avait reçu de
nous de somptueux présents. Pourtant, il est demeuré fidèle à la cité d’Elissa
et sa cavalerie a combattu contre nous à Sagonte comme à Ilipa.
— Certes,
mais nous lui avons permis de s’emparer du royaume de son rival Masinissa et il
ne peut l’oublier. Il sait que, tôt ou tard, nous lui demanderons de nous
rendre la pareille.
— En
es-tu sûr ? Il a obtenu ce qu’il voulait et, dans le meilleur des cas, il
se contentera d’observer une prudente neutralité, attendant de voir à qui la
victoire sourit avant de prendre une décision.
— Tu
fais comme s’il était notre seul allié possible. Nous pouvons, s’il déçoit nos
espérances, nous tourner vers Masinissa que j’ai rencontré à Gadès et qui sera
trop heureux de bénéficier de notre aide pour reconquérir ses domaines. Il se
trouve actuellement dans les Emporia et je suis en liaison avec lui. L’un de
ses émissaires est venu me voir il y a peu pour m’apporter la réponse à la
question que je lui avais posée lors de notre entrevue à Gadès. Après avoir
mûrement réfléchi, il est prêt à se ranger à nos côtés et il peut rassembler
plusieurs milliers de cavaliers et de fantassins. Que ce soit Syphax ou
Masinissa, nous sommes donc assurés d’obtenir des renforts sur place et c’est
la raison pour laquelle il me paraît indispensable de préparer ce débarquement
en Afrique. Il est grand temps que cette terre subisse ce que l’Italie endure
depuis tant d’années. De la sorte, nous vengerons nos morts bien-aimés et tous
ceux qui ont dû abandonner leurs foyers ravagés et détruits par les
Carthaginois.
— Tes
arguments, dit un vieux sénateur, Quintus Fulvius Flaccus, m’ont ébranlé. Reste
le problème soulevé par Fabius Maximus : le peu de cas que tu fais de
l’avis du Sénat. Dans Rome, on murmure même que, si nous refusons de te donner
satisfaction en te confiant comme province la Sicile, tu serais prêt à faire
appel de cette décision devant les Comices, infligeant ainsi à tes pairs un
désaveu intolérable. Peux-tu nous donner l’assurance que tu te conformeras à
l’avis de tes collègues sans consulter le peuple ?
— Je
puis t’assurer d’une chose : j’agirai toujours dans le sens de l’intérêt
de Rome. Y a-t-il là chose plus sacrée à tes yeux ?
— Ta
réponse est habile mais ambiguë. Car qui
Weitere Kostenlose Bücher