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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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milliers, les habitants rassemblaient leurs maigres biens et, se
mêlant à nos soldats, entravaient les mouvements de ceux-ci.
    Dans
l’impossibilité de pouvoir nous redéployer pour repousser les assaillants, nous
dûmes, la mort dans l’âme, renoncer à défendre le bâtiment du Conseil des Cent
Quatre où les principaux magistrats de notre cité s’étaient réfugiés pour y
tenir réunion sur réunion. Au petit matin, alors que les flammes avaient ravagé
tout le quartier du port, Scipion fit entrer dans la ville des troupes fraîches
qui prirent position sur le maqom et aux alentours et réduisirent les derniers
îlots de résistance dans la partie de l’enceinte donnant sur Mégara. Tout
n’était cependant pas perdu. Avec les officiers de mon état-major, j’entrepris
d’élever des barricades dans les quartiers qui séparaient le maqom de la
citadelle de la Byrsa, surmontée par le temple de Baal Eshmoun.
    Pendant
six jours et six nuit d’affilée, des combats violents se déroulèrent dans les
rues étroites de cette partie de la ville, bordées d’immeubles hauts de six
étages. Chaque maison fut transformée en véritable fortin d’où nos soldats et
les civils faisaient pleuvoir sur les légionnaires des meubles, des blocs de
pierre et de l’huile bouillante. Cour par cour, étage par étage, tous se battirent
héroïquement, infligeant à l’ennemi de lourdes pertes. Certains immeubles
changèrent ainsi de main plusieurs fois et les Fils de la Louve avaient bien du
mal à progresser à travers ces ruelles communiquant entre elles par des
passages connus de leurs seuls habitants.
    Installé
dans le temple d’Eshmoun avec les officiers de mon état-major, je pouvais
contempler les scènes atroces qui se déroulaient en contrebas. Quand une maison
était enfin prise par les Romains, les habitants, réfugiés sur le toit, préféraient
se jeter avec leurs femmes et leurs enfants sur les lances des légionnaires
plutôt que de tomber vivants entre leurs mains. Certains étaient tués sur le
coup, les autres, les membres disloqués, gisaient à terre, expirant dans
d’atroces souffrances car l’ennemi, ivre de vengeance, se refusait à achever
les agonisants, versant parfois de la poix brûlante ou du sel sur leurs plaies
et ne voulait pas leur donner à boire. De partout, l’on entendait les cris des
mourants, appelant les membres de leurs familles ou suppliant les dieux
d’abréger leurs souffrances. Je dois le dire, j’étais rempli d’admiration pour
mes concitoyens. Longtemps, ceux-ci avaient dédaigné le métier des armes, s’en
remettant à des mercenaires étrangers pour défendre Carthage. Alors que cette
dernière était sur le point de succomber, ils se dévouaient corps et âmes pour
elle, réalisant qu’ils ne pourraient survivre à sa disparition. Leur résistance
farouche se prolongea pendant près de sept jours. Finalement, après que Scipion
Aemilianus eut fait venir d’Utique des troupes fraîches, il parvint à se rendre
maître de ce quartier ; ses défenseurs, au nombre de cinquante mille,
refluèrent vers la citadelle dont je fis fermer les lourds portails de bronze.
    Les
combats cessèrent aussi soudainement qu’ils avaient commencé. Afin de pouvoir
installer les machines de guerre dont il aurait besoin pour détruire nos
dernières fortifications, le consul ordonna de raser complètement les maisons à
demi détruites dont ses troupes avaient eu tant de mal à s’emparer. Les
légionnaires mirent le feu aux immeubles, du moins à ce qu’il en restait. Leurs
murs, léchés par les flammes, s’écroulaient dans un fracas assourdissant,
cependant que des femmes, des enfants et des vieillards, terrés jusque-là dans
les caves et les caches qu’ils avaient aménagées, tentaient en vain d’échapper
au brasier.
    Quand tout
ne fut plus que cendres, le consul fit déblayer les ruines par des milliers de
captifs qui jetaient dans une fosse commune creusée sur l’emplacement du maqom
poutres, pierres et cadavres dont certains respiraient encore. Leurs corps
étaient traînés avec des fourches et des crocs le long des rues par une
soldatesque ayant perdu tout sens de la pitié et se comportant comme des bêtes
sauvages. Il était bien difficile de leur en vouloir. Tout concourait à ce
qu’un vent de folie souffle sur notre ville à l’agonie : le bruit des
trompettes, les ordres jetés d’une voix rauque par les centurions, le
crépitement des flammes et

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