Hasdrubal, les bûchers de Mégara
j’étais dans l’incapacité de lui porter secours et ne pus
donc que supplier nos dieux de lui accorder la victoire.
Épilogue
Diogène
était un mercenaire grec, ami d’Aristée, mon ancien précepteur. Originaire de
Corinthe, il vouait aux Fils de la Louve une haine inexpiable car ceux-ci
avaient attiré dans un guet-apens la plupart des membres de sa famille, soupçonnés
de sympathie pour Persée de Macédoine, et les avaient massacrés jusqu’au
dernier. Venu nous proposer ses services dès le début de la guerre, il avait
épousé l’une des sœurs de Magon, mon aide de camp, et le Conseil des Cent
Quatre, pour le récompenser de son dévouement, lui avait accordé le titre de
citoyen de Carthage.
Bon
tacticien, économe de la vie de ses hommes, il avait su, par ses exploits,
rallier à lui de nombreuses tribus des Emporia en leur promettant des
exemptions d’impôts et des distributions de terres confisquées aux magistrats
des villes puniques qui avaient honteusement trahi notre cause. Il était
maintenant à la tête d’une armée de soixante-dix mille hommes dont vingt mille
cavaliers et, grâce à lui, nous avions pu maintenir notre autorité sur la
région du Beau Promontoire et les vastes plaines céréalières au sud de Neapolis
d’où il nous faisait parvenir d’importantes quantités de grains.
Il menait
des raids audacieux contre les garnisons romaines et numides des environs,
immobilisant des troupes dont Scipion Aemilianus aurait eu le plus grand besoin
devant Carthage. Il n’était donc pas étonnant que le consul ait pris avec lui
deux de ses légions et autant de contingents alliés, soit près de vingt mille
hommes, pour tenter de mettre définitivement Diogène hors d’état de nuire.
J’étais loin d’être inquiet : celui-ci avait pour lui l’avantage du
nombre. Il pouvait aligner des effectifs trois fois supérieurs. En théorie du
moins car, dans la réalité, les choses étaient plus compliquées. Comme me le
rapporta Polybe plusieurs années après les faits, le petit-fils de Scipion
l’Africain connaissait admirablement les mœurs des Numides et leur répugnance à
demeurer longtemps sous les armes, éloignés de leurs foyers. Il entreprit donc
de lancer des opérations de diversion contre les Emporia, y faisant débarquer
des contingents qui ravagèrent cette région, incendiant les villages et les
récoltes et massacrant sans pitié les familles de nos mercenaires.
Ceux-ci
s’empressèrent de se porter au secours des leurs. À leurs yeux, ce n’était pas
une désertion. Dès qu’ils en auraient fini avec ceux qui menaçaient leurs
familles, ils regagneraient Nepheris. Ils restèrent sourds aux objurgations de
leurs officiers et quittèrent par milliers nos positions, privant Diogène d’une
partie de ses troupes. Les espions que les Fils de la Louve entretenaient à
Nepheris rapportèrent ce fait à leurs maîtres tout comme ils leur signalèrent
le mauvais état de l’enceinte, endommagée en deux endroits par des pluies
diluviennes et que nul n’avait songé à réparer. Scipion Aemilianus ourdit alors
l’un de ces plans diaboliques dont il avait le secret. Il divisa en deux ses
troupes.
La
première Légion se scinda en trois unités opérant dans le Beau Promontoire et
au sud de Nepheris. Les tribuns qui les commandaient reçurent l’ordre de
feindre la plus grande panique lors de leurs engagements contre nos troupes, ce
qui amena Diogène à penser qu’il pourrait écraser les uns après les autres ces
détachements. Il dégarnit donc son camp en lançant la plus grande partie de ses
hommes à la poursuite des Romains. À marches forcées, le consul fit avancer sa
seconde légion en direction de nos retranchements avancés, situés à une dizaine
de stades de la localité de Nepheris, et se lança à l’assaut, choisissant pour
cible l’une des brèches ouvertes dans la palissade. Mon adjoint s’y porta avec
la quasi-totalité des fantassins dont il disposait et infligea aux assaillants
des pertes importantes. Les voyant reculer, il sortit de l’enceinte pour les écraser
en terrain découvert.
Or le
petit-fils adoptif de Scipion l’Africain avait laissé en réserve, dissimulés
dans un bois, deux mille cavaliers numides, qui, à la tombée de la nuit,
sortirent de leur cachette et pénétrèrent dans le camp, massacrant les civils
et les quelques gardes demeurés en faction, avant de l’incendier. Au même
moment, des trompettes
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