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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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de quelques villes où stationnaient
des garnisons livrées à elles-mêmes. Les grands domaines des aristocrates
puniques étaient administrés par des intendants ayant sous leurs ordres des
milliers d’esclaves vivant dans des conditions misérables. Leurs propriétaires
n’y avaient jamais mis les pieds comme l’attestait l’absence de demeures dignes
de les accueillir. Ils se contentaient de percevoir chaque année les revenus
énormes que leur procuraient ces terres fertiles sans se soucier du sort des
populations locales. Pour le jeune Romain, sans doute était-il possible de
conclure la paix si les Numides garantissaient aux Carthaginois la jouissance
de leurs propriétés. Après tout, à ses yeux, la cité d’Elissa s’était trop
longtemps désintéressée de ces territoires pour prétendre y exercer sa
souveraineté.
    Cela, je
l’ignorais quand je dus donner l’ordre de l’attaque. Par milliers, nos
fantassins et nos mercenaires dévalèrent les flancs de la colline en poussant
des cris terribles. À ma grande surprise, Masinissa ne tenta pas de fuir vers
Cirta avec ses fils et quelques centaines de cavaliers. Et mon étonnement
redoubla quand je ne vis pas la garnison d’Oroscopa sortir de la forteresse
pour nous prêter main-forte. J’avais cru duper le vieux roi mais celui-ci
s’était montré encore plus roué que moi. Ses agents avaient pris contact avec
Bostar, le second de mon vieil ami Bodeshmoun, un officier de qualité mais
dévoré d’ambition. Il détestait son supérieur et s’était plaint à plusieurs
reprises de ne pas obtenir l’avancement qu’il estimait mériter. Bien plus, en
raison des dépenses considérables que nous avions faites pour recruter les
mercenaires, le Conseil des Cent Quatre, contrairement à l’engagement pris par
Hannon le Rab, n’avait pas versé à la garnison d’Oroscopa les soldes dues. Il
n’en avait pas fallu plus pour qu’une mutinerie se produise. Avec la complicité
des autres officiers et des soldats, Bostar avait arrêté Bodeshmoun. Lorsque
j’avais envoyé des émissaires à Oroscopa pour coordonner l’action de mes
troupes et de la garnison, les rebelles les avaient bien accueillis. Expliquant
que Bodeshmoun, frappé d’une fièvre maligne, était parti à Utique pour se faire
soigner, Bostar avait longuement conféré avec mes lieutenants et ceux-ci ne
s’étaient rendu compte de rien. Je leur avais fait confiance et j’en payais
maintenant le prix.
    Pour
comble de malchance, des éclaireurs me signalèrent un nuage de poussière venant
du Nord. C’étaient les renforts que Masinissa avait fait venir de Cirta. Nous
étions bel et bien cernés. La bataille dura toute la journée. De loin, je
pouvais apercevoir le vieux roi frapper avec son épée ses adversaires. Dressé
sur sa monture, il faisait voler têtes et bras et poussait chaque fois qu’il
touchait un homme un rauque cri de victoire. Des Gaulois tentèrent de l’isoler
et de l’encercler mais il les tailla en pièces avant même que ses aides de camp
ne vinssent à sa rescousse. Dégoulinant du sang de ses victimes, il paraissait
être invincible. Ce vieillard de quatre-vingt-sept ans se battait avec
l’énergie et la fougue d’un adolescent. En le contemplant, je songeais avec
nostalgie qu’il avait jadis combattu à nos côtés et qu’il avait infligé de
lourdes pertes aux Romains avant que l’ingratitude dont nous avions fait preuve
à son égard ne le pousse à changer de camp.
    Quand la
nuit tomba, la plaine était jonchée de centaines de cadavres. On entendait le
râle des blessés que les soldats de Masinissa achevaient en leur coupant la
gorge s’il s’agissait de simples mercenaires ou qu’ils faisaient prisonniers
quand ils avaient la bonne fortune de tomber sur des officiers puniques reconnaissables
à la richesse de leurs armes et de leurs cuirasses finement ouvragées. Leurs
familles paieraient de lourdes rançons pour racheter leur liberté. Rassemblés
sous bonne garde, ils durent remettre à leurs geôliers certains de leurs objets
personnels, bagues ou bracelets, afin que les émissaires envoyés à Carthage
pour négocier leur rachat puissent apporter la preuve qu’ils étaient bien
vivants.
    La mort
dans l’âme, je dus ordonner à mes hommes de regagner la colline où nous avions
installé notre camp. Je pris aussitôt la précaution d’envoyer plusieurs
messagers annoncer à Hannon le Rab notre défaite et demander des secours.

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