Hasdrubal, les bûchers de Mégara
l’organisation
nécessiterait plusieurs jours, de son hôte, Publius Cornélius Scipion Corculum.
De surcroît, il se languissait déjà à l’idée de quitter ses compagnons de
distraction. Grimaçant, Caton lui rétorqua :
— Je
n’ai jamais compris les raisons de ton amitié pour les Scipions que je
soupçonne d’être des agents au service de Hannon le Rab. Je prévoyais ton
objection, aussi ai-je pris soin de t’éviter une séparation aussi douloureuse.
Faisant taire mes ressentiments, j’ai demandé et obtenu du Sénat que ton ami,
Scipion Aemilianus, le neveu de Publius Cornélius Scipion Corculum, t’accompagne
en qualité d’observateur. Il y a quelques heures de cela, dans le plus grand
secret, je l’ai fait avertir de se tenir prêt à partir et il se trouve déjà à
Ostie. Je suppose que tu ne souhaites pas le faire attendre !
— Je
dois pourtant prendre certaines dispositions…
— Oui
comme, par exemple, faire tes adieux à ta maîtresse carthaginoise.
— Tu
es décidément bien informé.
— J’ai
toutes les raisons de me méfier d’elle. Elle appartient à une race maudite et
je ne serais pas étonné d’apprendre qu’elle t’espionne pour le compte du
Conseil des Cent Quatre.
— Elle ?
Chaque fois que nous parlons avec mes amis de choses sérieuses, elle se retire
dans un coin pour bouder jusqu’à ce que j’accepte de venir la retrouver pour
l’entretenir de choses plus plaisantes. Elle ne sort pratiquement jamais de ma
maison et ne reçoit aucune visite. Tes craintes sont donc vaines à moins que tu
ne veuilles l’empêcher de me suivre afin de pouvoir la courtiser à ta guise.
— Si
j’avais quelques années de moins, je ne te cache pas que je serais capable
d’oublier son origine et que je mettrais à profit ton absence pour te la ravir.
Mais je suis un vieillard perclus de douleurs et ces choses-là ne m’intéressent
plus. Tu peux donc partir avec elle si cela te chante. L’important est que tu
quittes Rome le plus rapidement possible. Fais bon voyage et tiens-moi au
courant du succès de vos armées.
— Je
n’y manquerai pas.
— Puisse
Jupiter Capitolin me donner la force de vivre jusqu’au jour où un messager
m’apportera de ta part la nouvelle de la destruction de Carthage !
Toutefois,
j’ai bien peur de ne pas connaître ce suprême instant de bonheur. Ma santé
décline de jour en jour et la mort viendra bientôt me prendre. Peu
importe ! J’ai l’intuition que cette guerre se terminera par la disparition
de la cité d’Elissa et cela suffit à me rendre plus supportable la fin de ma
vie.
***
Je dois
l’admettre, la soudaine offensive de Masinissa provoqua un début de panique à
Carthage. Dès l’ouverture des hostilités, je fus convoqué par Hannon le Rab. Écumant
littéralement de rage, il m’accusa d’être le principal responsable de cette
situation et de passer plus de temps à m’occuper de politique qu’à organiser la
défense de notre cité. Pour l’amadouer, je lui promis de cesser toute activité
au sein du parti barcide où un homme dans lequel j’avais toute confiance,
Himilcar le Sammite, me remplaça. Je fis même plus : j’informai Hannon le
Rab que j’étais prêt à démissionner de mes fonctions de boétharque si cela
pouvait constituer un geste de bonne volonté adressé à nos ennemis. Il me
rétorqua qu’il était trop tard. Les Numides étaient déterminés à nous infliger
une cuisante défaite et le plus urgent était de réorganiser notre armée. Pour
cela, je suggérai d’engager plusieurs milliers de mercenaires, soulignant
toutefois que ceux-ci exigeraient de sérieuses garanties avant d’accepter de se
battre pour nous. Le souvenir de la révolte de Mathô et de Spendios à l’issue
du premier conflit avec Rome était encore présent dans bien des esprits même
si, pour éviter le renouvellement d’une pareille tragédie, Hannibal, au
lendemain de la défaite de Zama, avait veillé à ce que les soldats démobilisés
reçoivent l’intégralité des sommes qui leur étaient dues. Hannon le Rab
m’assura que le Conseil des Cent Quatre disposait de réserves suffisantes pour
verser aux nouvelles recrues une avance substantielle et il ordonna aux
comptables du Trésor de confier à nos agents recruteurs plusieurs centaines de
talents afin de les distribuer aux chefs des tribus susceptibles de nous fournir
les contingents dont nous avions besoin. Cette décision était
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