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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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Je
disposais de provisions suffisantes pour soutenir un siège de quelques semaines
et je savais que les Numides, eux, répugnaient à ce type d’opération. Il leur
tardait de rentrer dans leurs foyers avant le début de la mauvaise saison et
ils étaient assez indisciplinés pour déserter en masse, ce qui aurait obligé
Masinissa à regagner sa capitale.
    Je dus
rapidement déchanter. Dès le lendemain matin, je vis des milliers d’esclaves,
réquisitionnés dans les domaines voisins, creuser autour de la colline deux
profonds fossés et édifier une épaisse palissade de pieux entrecoupée de tours
de guet. J’eus beau envoyer des détachements massacrer les travailleurs. Chaque
fois, ils étaient repoussés par les charges furieuses de la cavalerie numide.
Il me fallut me rendre à l’évidence ; seule l’arrivée d’une armée de
secours nous permettrait de rompre notre encerclement et de battre en retraite.
Un soir, l’un de mes aides de camp me prévint que des parlementaires
approchaient de nos avant-postes. Ma première réaction fut de penser qu’ils
venaient nous proposer de capituler. En fait, ils avaient pour mission de
conduire dans nos lignes Bodeshmoun et sa fille auxquels Masinissa avait décidé
de rendre leur liberté. Je ne pus cacher mon émotion en les retrouvant. Pendant
qu’Arishat était conduite dans une tente à l’abri des regards indiscrets, j’eus
une longue conversation avec son père :
    — Comment
se fait-il que Bostar ait trahi sa patrie ?
    — Hasdrubal,
tu connais mieux que moi l’ambition qui le dévore.
    — Je
crois surtout qu’il s’est laissé corrompre par l’or des Numides.
    — Je
ne voudrais pas paraître défendre ce félon qui recevra, un jour, le châtiment
qu’il mérite. Mais je crois sincèrement qu’il n’a pas agi par esprit de lucre.
Sa famille vit à Carthage et il sait que le Conseil des Cent Quatre exercera
contre elle de terribles représailles. L’explication se trouve ailleurs. Je le
soupçonne depuis longtemps d’être un partisan d’Itherbaal, l’ancien chef de la
fraction pro-numide au sein de notre Sénat et d’avoir agi sur ses conseils. Au
risque de te choquer, je puis même affirmer que sa conduite lui a été dictée
par une certaine forme de patriotisme. Il est comme nous autres attaché à la
survie de Carthage mais il estime que notre ville n’a rien à gagner d’un
conflit avec Masinissa.
    Je le sais
fier d’être punique, respectueux de nos dieux et de nos traditions. Pour rien
au monde, il n’accepterait de renier ses origines. Toutefois, il croit que nos
magistrats mènent notre cité à sa perte.
    — Qu’entends-tu
par là ?
    — Hasdrubal,
toi et les tiens ignorez les sentiments d’une partie de vos compatriotes.
Pendant des années, Hannon le Rab a exercé une dictature impitoyable dont tes
partisans ont été les premières victimes. Depuis qu’il a été mis en minorité
par ton père et par Azerbaal, les choses n’ont guère changé. Vous avez condamné
à l’exil Itherbaal et ses amis parce que ceux-ci avaient deviné que vous étiez
les instigateurs de l’embuscade montée contre Gulussa et Micipsa.
    — Tu
as tort. C’est Hannon le Rab qui a proposé leur bannissement.
    — À
seule fin de déjouer la manœuvre ourdie par Mutumbaal contre lui. En dépit de
vos différences d’opinion, vous vous comportez de la même façon. Vous
considérez comme des traîtres tous ceux qui ont le malheur de ne pas penser
comme vous. Cela explique en partie l’attitude de Bostar. Et je ne parle pas
des fausses promesses dont vous nous avez abreuvés et que vous n’avez pas tenues.
    — Lesquelles ?
    — Lorsque
les hostilités ont commencé, tu nous as fait parvenir de nombreux convois de
blé, d’huile et de vin afin de nous permettre de soutenir un siège. L’on nous
avait aussi annoncé que le Conseil des Cent Quatre nous verserait plusieurs
mois de solde d’avance et mes hommes s’en réjouissaient. Quand les Mahshibim,
les comptables du Trésor, sont arrivés dans nos murs, ils se sont conduits avec
une arrogance inqualifiable. Ils ont vérifié soigneusement le poids de chaque
sac de blé et le contenu de chaque jarre, nous interdisant de nous en servir
tant que nous pourrions continuer à recevoir du ravitaillement de la campagne
environnante. Quand nous avons réclamé le paiement de nos soldes, ils se sont
gaussés de nous, affirmant n’avoir reçu aucune instruction à ce sujet. Ils

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