Hasdrubal, les bûchers de Mégara
sage. Partout où
ils se rendirent, nos messagers furent bien accueillis. Gaulois, Ibères,
Sardes, Grecs, Égyptiens et Libyens affluèrent pour offrir leurs services à
Carthage. Bientôt, je pus annoncer à Hannon le Rab qu’il disposait de
quarante-cinq mille fantassins et de quatre mille cavaliers. À l’énoncé de ce
dernier chiffre, mon interlocuteur fit pourtant grise mine :
— La
cavalerie de Masinissa est cinq fois plus nombreuse et c’est elle que je
redoute le plus. Ce maudit Numide l’utilisera pour attaquer nos villes et nos
villages à l’improviste. Lorsqu’elle arrivera sur les lieux, notre infanterie
ne trouvera que ruines et désolation. J’exige que tu engages, à prix d’or s’il
le faut, cinq mille cavaliers supplémentaires. Les cités des Emporia [3] peuvent fournir ces contingents et, si elles rechignent, nous saurons
leur faire entendre raison.
— N’aie
aucune crainte, j’ai devancé tes désirs et nous recevrons sous peu des
renforts.
— Des
Emporia ?
— Non.
De nos propres adversaires.
— Comment
cela ?
— Tu
n’ignores pas que Bythias, l’un des généraux de Masinissa, a été gravement
humilié par Mastanabal qui a pris son épouse pour maîtresse. Depuis longtemps,
il cherche à se venger et je l’ai rencontré récemment dans le plus grand
secret. Sous peu, deux de ses lieutenants, Asasis et Juba, viendront avec six
mille cavaliers se joindre à notre armée.
— Tu
as sagement agi et je t’en félicite. Quel est ton plan de campagne ?
— La
saison chaude est terminée et nos paysans ont eu le temps d’effectuer la
moisson et de faire leurs semailles. Ils peuvent donc quitter leurs fermes pour
se réfugier à l’abri de notre enceinte. Quand il l’apprendra, Masinissa fera
marche vers Carthage. Sur sa route, il trouvera la forteresse d’Oroscopa,
celle-là même où j’ai commencé mon apprentissage de soldat. J’ai la plus
entière confiance dans le commandant de la garnison, Bodeshmoun, et j’ai
demandé à tes services de lui faire livrer assez de provisions pour pouvoir
soutenir un long siège. Je leur ai aussi demandé de veiller à ce que les soldes
des hommes leur soient payées afin de stimuler leur zèle.
— Tu
as bien fait et je veillerai à ce que tes ordres soient scrupuleusement
exécutés. Si cela n’était pas le cas, les coupables seraient sévèrement
châtiés. Mais, toi, que feras-tu ?
— Je
compte tromper Masinissa. Dans un premier temps, lui et son armée se
contenteront de piller les fermes abandonnées afin de satisfaire leur soif de
rapines. Quoi qu’il nous en coûte, laissons-le agir. Il pensera que nous ne
disposons pas de forces suffisantes pour repousser ses attaques et il
s’enfoncera encore un peu plus dans notre territoire, loin de ses positions.
J’en profiterai pour le tourner sur sa gauche et je ferai mine de me diriger vers
Cirta, sa capitale. Il rebroussera chemin à marches forcées et, dans moins d’un
mois, nos armées se retrouveront face à face près d’Oroscopa. C’est là que je
compte lui infliger une défaite dont il se souviendra.
— Puisse
Baal Hammon exaucer ton vœu !
En ville,
l’arrivée des réfugiés et l’annonce des destructions commises par les Numides
suscitèrent une profonde inquiétude. Pour calmer les esprits, je fis défiler
dans les rues de la cité les différents contingents de mercenaires. Marchant en
rangs serrés et exhibant avec fierté leurs longues épées, leurs haches, leurs
arcs, leurs frondes ou leurs lances, Gaulois, Sardes, Ibères, Égyptiens et
Grecs firent forte impression sur la foule. Les plus âgés pleuraient de fierté
en voyant leur ville sortir de sa torpeur et renouer avec ses traditions
guerrières. Les plus jeunes, émerveillés par les splendides cuirasses des
officiers, acclamèrent longuement ceux qui s’apprêtaient à mourir pour assurer
leur protection. L’enthousiasme ne connut plus de bornes lorsqu’un messager
vint avertir Hannon le Rab que plusieurs milliers de cavaliers numides,
conduits par Asasis et Juba, avaient installé leurs campements à proximité de
Mégara. Obéissant aux ordres de Bythias, ils avaient déserté et j’ordonnai que
mille d’entre eux se joignent au défilé. Lorsqu’ils parurent, juchés sur leurs
petits chevaux nerveux, les spectateurs hésitèrent sur l’attitude à adopter.
Certains d’entre eux venaient des villages pillés par les troupes de Masinissa
et quelques cris
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