Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
tuée, avec une pierre, comme une bête que l’on chasse. Cette femme était une meurtrière. Il la savait dangereusement habile pour prendre un homme dans ses filets. C’était une parfaite comédienne et cet instant d’émotion qu’elle lui offrait n’était sans doute qu’une scène artistement jouée…
    Le charme dangereux qui venait de le tenir un instant captif s’évanouit. Gilles se redressa.
    — Ne vous ai-je pas démontré… un peu trop énergiquement peut-être, que j’étais toujours sensible à votre beauté ?
    — Comme vous pourriez l’être à celle de n’importe quelle autre femme, sans doute ?
    — Vous n’êtes pas n’importe quelle autre femme…
    — Pas d’hypocrisie, je vous prie. Mieux vaut la vérité que les faux-semblants. Vous me désirez, rien de plus…
    Le ton montait et il pouvait voir, à présent, la colère enflammer les yeux de Judith. Gilles sourit.
    — C’est déjà beaucoup, il me semble. Bien des femmes ne peuvent en dire autant. Pourquoi nierais-je que je vous désire violemment parfois ? Votre corps est de ceux auxquels un homme normal ne saurait résister.
    La voiture avait atteint le cours Villeverd et prenait de la vitesse. Un vent léger et plus frais enveloppait les deux jeunes gens ; pourtant Judith, comme si elle avait trop chaud, avait déployé son éventail et l’agitait sur un rythme nerveux. C’était, au bout de ses doigts, comme un papillon scintillant. Elle se mordit les lèvres et détourna la tête.
    — Quelle suffisance, en vérité ! gronda-t-elle entre ses dents. Il ne vous vient pas à l’idée que je pourrais refuser ce rôle de femme de harem que vous m’offrez si généreusement ? Je suppose, tout de même, que l’on connaît, ici, l’usage des serrures et des verrous…
    Brusquement, Gilles saisit le poignet qui agitait l’éventail et, prenant, de son autre main, le menton de sa femme, obligea Judith à le regarder.
    — Je ne vous en conseille pas l’usage, ma chère ! J’entends que vous vous comportiez dans ma maison comme doit se comporter une épouse normale. J’entends tirer de vous une famille. Je veux des fils, des filles. Aussi, sachez-le bien, aucune porte si solide soit-elle, aucun verrou si bien tiré qu’il soit, ne m’empêchera de vous rejoindre lorsque j’aurai envie de vous. À présent, ravalez donc la fureur qui fait si magnifiquement briller vos yeux noirs car nous arrivons et je ne pense pas que vous souhaitiez me faire une scène en pleine rue.
    La voiture tournait, en effet, le coin du quai et venait s’arrêter à l’amorce de la digue, à l’endroit où le canot devait venir reprendre les Tournemine pour les ramener à bord. Baisant rapidement le poignet qu’il tenait toujours, en manière d’apaisement, Gilles prit dans sa poche un sifflet de quartier-maître et en tira trois coups courts et deux coups longs pour appeler la chaloupe. La distance était faible. En effet, à quelques encablures de là, le Gerfaut toutes lanternes allumées reflétait son élégante silhouette dans l’eau calme du port.
    Sautant à terre, Gilles offrit sa main à sa femme pour l’aider à mettre pied à terre, mais, repoussant dédaigneusement cette main, la jeune femme descendit sans son secours. Le nuage blanc de sa robe glissa rapidement jusqu’à l’amorce de l’escalier où l’on allait venir les prendre tandis que la voiture envoyée par le gouverneur faisait demi-tour et rebroussait chemin.
    À l’exception d’une ou deux tavernes d’où s’échappaient des rires et des chansons, le port semblait dormir entre ses vieux forts à la Vauban dont les murs gris s’argentaient sous la lune. Hormis sur le Gerfaut où le canot débordait, tout était tranquille.
    Devinant qu’il valait mieux laisser Judith à sa solitude, Gilles fit quelques pas vers une pyramide de tonneaux disposée près d’une cabane de douaniers. Et, soudain, ce fut l’attaque… et le cri de Judith qui, s’étant retournée machinalement pour voir ce que faisait Gilles, avait, en un éclair, compris ce qui se passait.
    — Attention, Gilles !
    Surgis de derrière les tonneaux dont l’un, violemment poussé, s’abattit sur le sol et roula devant eux, sept ou huit hommes s’élancèrent vers Tournemine, brandissant des bâtons et des machettes, ces redoutables sabres d’abattis, effilés comme des rasoirs, qui servent à couper les cannes à sucre. C’étaient presque tous des Noirs, nus jusqu’à la

Weitere Kostenlose Bücher