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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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qu’ils ne fissent pas la moindre tentative pour lever la tête quand le médecin se pencha pour les examiner.
    — Ces deux-là peuvent être sauvés à condition d’être isolés immédiatement. Depuis combien de temps ces hommes n’ont-ils pas eu de soins ?
    La question déplut visiblement à Calvès.
    — Depuis vous, on n’a pas repris de médecin. M. Legros, ajouta-t-il avec un regard inquiet en direction de Tournemine, dit qu’un certain pourcentage de pertes par maladie est inévitable…
    — Je sais, dit Finnegan. Legros achète des esclaves de second choix et les use jusqu’à la corde. Un médecin, des soins, ça augmenterait le coût. Cet imbécile ne comprendra jamais que des travailleurs en bon état rapportent beaucoup plus et finalement coûtent moins cher.
    — Tout le monde a le droit de penser comme il veut, dit le Maringouin aigrement, et si…
    — En voilà assez ! coupa brutalement Tournemine. Y a-t-il ici un bâtiment, en bon état j’entends, et pas avec un toit crevé, qui puisse servir d’infirmerie.
    — L’un des entrepôts est vide pour le moment mais…
    — Il fera l’affaire en attendant qu’on construise une sorte de petit hôpital.
    — Un hôpital ? Pour ça…
    Le fouet du commandeur désignait le tas misérable des malades. Gilles le lui arracha.
    — Pour ça, oui ! Faites mettre des paillasses dans l’entrepôt, faites-y transporter les malades et obéissez aux ordres du docteur Finnegan. Quant aux mourants…
    — Je vais apaiser leurs souffrances avec de l’opium. La mort les prendra cette nuit et ils ne la verront pas venir. Demain, on brûlera cette infamie que vous appelez une case avec ce qu’il y a dedans.
    Durant une heure, le médecin, aidé de Pongo, déploya une activité dévorante et parvint à installer assez convenablement ses malades et même à obtenir qu’on leur confectionnât un potage de légumes. Pendant ce temps, Gilles, Ménard et les trois marins obligeaient Calvès et ses surveillants à une distribution de manioc et de viande séchée car la distribution de vivres hebdomadaire à laquelle le Code noir obligeait les planteurs datait alors de cinq jours, mais comme elle avait dû être beaucoup plus parcimonieuse que ne le prescrivait le Code (à savoir deux pots et demi de farine de manioc, deux livres de viande salée et trois livres de poisson par tête, le reste de la nourriture devant être fourni par les jardins individuels), il n’y avait strictement rien à manger dans l’enclos à l’exception de quelques bananes et d’une poignée d’ignames.
    Toutes ces opérations prirent du temps et, quand la nuit tomba, il n’en restait plus assez pour visiter le reste de la propriété et le second enclos à esclaves qui, pour éviter une trop grande concentration de nègres au voisinage de l’habitation, se trouvait presque aux limites de la plantation vers le Morne Rouge.
    Visiblement soulagé, Calvès conduisit ses incommodes visiteurs vers la rivière au bord de laquelle s’élevait la maison de Simon Legros.
    Située sur une courbe du Limbé, non loin de son confluent avec la Marmelade et abritée par des lataniers et des jacarandas bleus, c’était une maison basse, construite en bois et en torchis et blanchie à la chaux. Un bâtiment trapu qui devait contenir les dépendances se montrait sur l’arrière et une petite véranda en faisait le tour.
    Le cadre était charmant et la maison l’eût été aussi si d’épais volets de bois pleins, percés de fentes visiblement destinées à laisser passer des armes, n’étaient repliés contre les piliers de la véranda. De toute évidence, Simon Legros entendait dormir tranquille et ne pas se laisser surprendre.
    L’arrivée de la troupe attira sur le seuil une femme noire qui élevait une lanterne. C’était une grande fille à la peau très foncée dont le visage immobile semblait taillé dans du basalte. Une candale blanche retroussée sur un jupon rouge fendu sur le côté pour montrer, jusqu’à la cuisse, une jambe nerveuse de pur-sang, s’attachait à sa taille sous un caraco décolleté si bas et lacé si largement qu’il ne cachait qu’à peine des seins en poire qui bougeaient à chacun de ses mouvements. De grands anneaux de cuivre pendaient à ses oreilles sous le madras blanc qui drapait sa tête.
    — Désirée, dit Calvès, voici le nouveau maître. Il habitera ici jusqu’au retour de Simon. Les hommes qui l’accompagnent sont ses

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