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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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britannique, ne peuvent en aucun cas être attribuées à un étranger. Vous devez faire erreur, monsieur.
    Tout grand homme qu’il était, ce John Adams commençait à porter prodigieusement sur les nerfs du chevalier. Qu’il eût à peu près le même âge que le général Washington ne lui donnait pas pour autant le droit de le traiter en gamin irresponsable et Gilles s’apprêtait à le remettre vertement à sa place quand le maître de Mount Vernon intervint :
    — L’erreur ne vient pas du chevalier, dit-il doucement, mais de moi…
    Et comme le jeune homme le regardait sans comprendre, il ajouta avec une gêne visible :
    — … j’ai cru de bonne foi, l’an passé, que ces terres étaient disponibles. Malheureusement, j’ai appris, depuis, qu’il n’en est rien et j’ai regret à vous l’apprendre, mon ami, mais les actes de propriété que vous a remis Thomas Jefferson sont sans valeur puisque les terres de la Roanoke étaient déjà attribuées. Rassurez-vous, d’autre part, nous vous en donnerons d’autres… Ce n’est pas, Dieu merci, la place qui manque en Amérique.
    — Et, conclut Adams avec un petit rire, si vous vous sentez l’âme d’un pionnier vous allez pouvoir exercer vos talents tout à votre aise dans des terres parfaitement vierges. On vous fera cadeau de mille acres dans le Nord-Ouest par exemple.
    — Autrement dit : de terres indiennes qui ne vous appartiennent pas, coupa Gilles sèchement. Il est aisé de faire des présents avec le bien des autres. Au surplus, soyez rassuré, monsieur, je n’attends aucun cadeau du Congrès des États-Unis. Je l’ai servi librement et jamais – pas plus qu’à aucun de ceux de mes compatriotes qui sont venus verser leur sang pour votre liberté – il ne m’est venu à l’esprit de monnayer les dangers courus…
    — Nous le savons parfaitement, dit chaleureusement Washington inquiet de la tournure que prenait la conversation, et c’est non moins librement que nous comptions vous offrir des terres en témoignage de gratitude. Je vous demande d’oublier cette stupide affaire de la Roanoke. J’aurais dû penser que les terres à tabac seraient très vite reprises, mais nous étudierons ensemble ce qu’il est possible de vous attribuer.
    — Ne vous mettez pas en peine, général. Je ne demande rien. Grâce à Dieu, je possède une assez belle fortune et je suis tout prêt à acheter n’importe quel domaine en Virginie ou en Maryland.
    — Mais il n’y a pas de domaines disponibles ni à donner ni à acheter ! En revanche, nous pensons diviser les territoires du Nord-Ouest en dix États que nous joindrons à l’Union dès que la densité de leur population le justifiera.
    — Le malheur est que je n’ai nulle envie de contribuer à augmenter la densité de la population de terres désertes. En aucun cas Mme de Tournemine ne saurait s’accommoder d’une vie de défricheurs. Je refuse donc toute terre que vous voudriez m’attribuer… au cœur de tribus indiennes où les miens ne connaîtraient aucune sécurité… Je regrette seulement de constater que des pactes dûment signés puissent être si légèrement déclarés sans valeur !
    — Oh ! s’écria John Adams agacé, nous sommes encore libres de faire de nos terres ce que nous voulons.
    — Grâce à qui ? gronda Gilles tremblant de fureur. Il n’y a pas si longtemps que vos prétentions auraient fait éclater de rire le roi d’Angleterre.
    Puis, se levant, il s’inclina devant la maîtresse de maison qui, impuissante et navrée, avait suivi le développement de la querelle.
    — Souffrez que je me retire, madame. Je n’oublierai jamais la grâce de votre accueil. Pas plus, ajouta-t-il en se tournant vers Washington, que je n’oublierai, général, le respect et l’affection que je vous porte depuis si longtemps. Je viens de comprendre que le temps n’est pas éloigné où le souvenir des services rendus par la France sera à charge à l’Amérique et qu’il vaut mieux pour les Français aller planter leur tente ailleurs. Cette nuit, mon bateau reprendra la mer.
    — Tout cela est ridicule, Tournemine ! intervint Washington. Où prétendez-vous aller ?
    — Sur des terres où la France peut encore se dire chez elle. Au lieu de cultiver du tabac en Virginie, je ferai pousser du coton en Louisiane où je n’aurai, je pense, aucune peine à acheter une terre… civilisée. Quant à la dette que vous pensiez avoir envers moi, je vous en

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